Si vous êtes adepte du réseau social Twitter, vous n’avez pas pu passer à côté de la montée en puissance du hashtag #MeTooAmnesie depuis ce week-end. Des dizaines d’internautes partagent leur histoire et échangent à propos de l’amnésie traumatique survenue suite à des violences sexuelles, notamment lorsqu’il·elle·s étaient mineur·e·s. On fait un point.
Inceste, amnésie traumatique… même combat
Le mouvement a été lancé par Mié Kohiyama, présidente de l’association Moi Aussi Amnésie. Accompagnée d’autres spécialistes du sujet, elle a décidé de lancer un hashtag dédié dimanche dernier, le 21 février après-midi, afin que « les pouvoirs publics se saisissent de la question de l’amnésie traumatique ». Il s’agit de la période durant laquelle une personne n’a pas conscience qu’elle a été victime de violences sexuelles.
La présidente s’explique auprès de nos confrères du Huffingtonpost.fr :
« Ils se sont emparés de la question de l’inceste, d’un seuil d’âge au-dessous duquel le consentement n’est pas possible, de la prescription glissante. Mais il n’y a aucune réponse sur l’amnésie traumatique. »
Comme nous vous l’expliquions dans notre article consacré à la tribune ultra médiatisée de Tristane Banon, le gouvernement souhaite créer un nouveau crime pour les crimes sexuels sur mineur·e·s. Ce dernier permettrait d’instaurer dans la loi un âge en dessous duquel un enfant ne peut consentir à un rapport sexuel. En l’occurrence, 15 ans en cas de crime sexuel et 18 ans en cas d’inceste. Mais au milieu de tout ceci, l’amnésie traumatique n’a en effet pas été abordée.
Entre 40 et 60 % de victimes de violences sexuelles subissent une amnésie traumatique
Toujours selon Mié Kohiyama :
« Entre 40 et 60% des victimes de violences sexuelles dans leur minorité subissent une amnésie traumatique. On veut permettre à ces victimes pour qui les faits sont prescrits d’avoir une chance de voir leur plainte instruite au moment de la résurgence des souvenirs. »
En lisant les témoignages parus sur Twitter avec le hashtag #MeTooAmnesie, on se rend effectivement compte que c’est très difficile, voire impossible. À commencer par le témoignage de la présidente elle-même :
#MeetooAmnesie RT @AudreyPulvar @franceinter https://t.co/oqcj8jpAtK
— Vanessa Aiffe Ceccaldi (@AiffeVanessa) February 21, 2021
On retrouve effectivement beaucoup de posts témoignant du même ressenti :
#meetooamnesie
Il était mon frère. J'étais mineure. Il m'a violée. Mon #AmnesieTraumatique a duré 25 ans. L'#inceste est revenu dans ma conscience sous la forme d'un #FlashTraumatique. J'ai commencé à aller un peu mieux le jour où j'ai osé évoquer ce flash. #StopPrescription— Charline Phodeute (@opha_zia) February 21, 2021
Victime d'attouchements à l'âge de 4-5 ans… 30 ans d'amnésie traumatique… Réveillée lors de l'été 2019 ! Depuis des images… Des flashs.. Des souvenirs reviennent. L'horreur début de suivi e' décembre 2020 #AmnesieTraumatique #MeetooAmnesie
— Virginie (@virgietanais) February 22, 2021
#MeetooAmnesie Quelques petites images à sa mort il y a 20 ans. Mais la deferlante d horreur a suivi le temoignage de adele haenel : Revivre en vrac, en flou,en image coupée, zoomée, avec hallucinations de.lui dans la.piece, son odeur, son regard#MeetooInceste @moiaussiamnesie
— mo-de-pile (@mOdepiLe1) February 21, 2021
#meetooamnesie .Violée à 10 ans par un ado perdu de 15 ans. 4 adultes étaient responbles de nous. Son père trouvait génial qu'on dorme ensemble. #Abusdautorité #exploitationdesvulnerabiltés.30 ans d'amnésie traumatique avant de nommer Viol.Pas de plainte. Personne ne m'a protégé.
— Morgane Maude (@MorganeMaude) February 21, 2021
D’autres dénoncent le fameux délai de prescription :
#meetooamnesie #stopprescription @MaudPetit_AN94 RT https://t.co/Nf4JeS58ZY
— Vanessa Aiffe Ceccaldi (@AiffeVanessa) February 22, 2021
#MeetooAmnesie https://t.co/CImsOz7ZhC
— Lio Seele – Un-e enfant n'est pas un jouet sexuel! (@LioSeele) February 22, 2021
#MeTooAmnesie : « il faudrait former les magistrats à comprendre ce qu’est l’amnésie traumatique »
En effet, il est aujourd’hui possible de suspendre la prescription pendant un temps donné, notamment en cas de force majeure comme l’inceste. Mais qu’en est-il des violences sexuelles subies il y a de nombreuses années ? Plusieurs associations plaident pour que l’amnésie soit reconnue comme un cas de force majeure. La juriste Audrey Darsonville explique au Huffington Post :
« C’est déjà possible dans la loi depuis 2017. Mais la Cour de cassation s’y oppose. »
La haute juridiction a rendu un arrêt le 17 octobre 2018 dans lequel il est dit que « l’amnésie traumatique ne peut être considérée comme constituant un obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure ayant pu suspendre le délai de prescription« .
Audrey Darsonville apporte un bon début de solution :
« Il faudrait former les magistrats à comprendre ce qu’est l’amnésie traumatique. Il est difficile d’en déterminer le début et la fin, mais on pourrait dire que la prescription reprend au moment où l’expert psychiatrique détermine que la mémoire revient ».
De son côté, Mié Kohiyama souhaite surtout sensibiliser le grand public à ce phénomène. Comme les nombreux témoignages publiés suite à la montée du #MeTooAmnesie, l’amnésie traumatique est une véritable souffrance pour ses victimes.
« Ces témoignages sont extrêmement touchants et émouvants. De nombreuses personnes sont concernées par l’amnésie traumatique qui représente une double peine : on est victime de violences sexuelles et de cette souffrance terrible de la mémoire. Face à cette double peine, les victimes sont laissées à l’abandon et sans protection. Il faut reconnaître l’amnésie traumatique dans la loi ».
Le message a-t-il été entendu par notre gouvernement ? Suite au prochain épisode…