Découvrez la métamorphose incroyable que ce coiffeur de rue offre aux sans-abri

Muni de sa valisette et de sa bonne humeur, Hasni Bekheira sillonne les rues de Grenoble pour proposer un petit rafraîchissement capillaire aux SDF. Heureux fondateur de l’association Street Coiff, il donne des coups de ciseau et fait résonner la tondeuse à même le bitume. Il élague les barbes rebelles ternies par la poussière et entretient les cheveux, longtemps privés d’attention. Magicien capillaire et artisan du bonheur, il illumine les visages cachés derrière cette main tendue ou ce gobelet que l’on croise avec trop de désintérêt. À la fin de cette mise en beauté, il récolte des sourires qui valent tout l’or du monde. Au-delà de l’acte esthétique, ce coiffeur itinérant tresse des liens précieux avec les sans-abri, qu’il considère comme une seconde famille. Une initiative bienveillante qui dresse les poils et redonne foi en l’humanité !

Un coiffeur qui embellit les sans-abri depuis 29 ans

D’ordinaire, les associations qui viennent en aide aux SDF écument les rues avec des sacs remplis de denrées alimentaires. Mais Hasni, lui, ne se balade pas avec la fameuse soupe populaire. À sa carte, pas de nourriture, ni de couverture de survie, mais une large gamme de soins capillaires. Avec son gilet par balle convertie en trousse de toilette et sa mallette à roulette qui chante sur le sol, il ne passe pas inaperçu. Père de l’association « Street Coiff« , il pratique l’art du ciseau hors des murs, auprès d’un public surnommé les invisibles des rues.

Ce coiffeur tout terrain œuvre sur la tête, souvent baissée, des sans-abri. Avec ses ustensiles à dents, à piles ou à pics, il fait la lumière sur ces visages ternis par la dureté de la vie et encerclés par les cheveux. Il exerce au centre de Grenoble, ville qui recense environ 1500 SDF sur toute son agglomération. Faire des brushings, dompter des cheveux et tailler des barbes n’est pas sa principale profession. C’est une passion qui l’anime depuis qu’il a posé ses doigts sur une tondeuse. Issu du quartier Teisseire, Hasni a grandi dans un milieu urbain assez modeste, pauvre en sous, mais riche en cœur.

Dès l’âge de 12 ans, il propose des coupes aux habitant.e.s de son immeuble. Celles et ceux qui n’ont pas de quoi se payer des fantaisies capillaires ou un rafraîchissement peuvent alors passer sous les mains habiles de Hasni, improvisé coiffeur solidaire. Ce rôle, il l’occupe encore avec fierté et honneur, presque 30 ans plus tard. Hasni est lui-même passé par des périodes désenchantées. En « rupture sociale et professionnelle » de 2012 à 2020, il a côtoyé la misère de très près. C’est là que son auréole s’est véritablement greffée sur sa tête. Engagé au sein d’une association de Vif, il a fait des maraudes et étoffé son carnet de contact. Aujourd’hui ce coiffeur né réconcilie les sans-abri avec leur reflet. Il pose son salon dans la rue pour attirer les regards sur celleux qui souffrent encore de sombres clichés.

Des maraudes singulières pour redonner une dignité aux SDF

Dans leur petite tirelire de fortune, les sans-abri ont à peine de quoi s’acheter un sandwich et une boisson. Se faire un carré plongeant, se couper les pointes ou se prescrire un soin réparateur n’est clairement pas leur priorité. Alors forcément, les cheveux poussent librement et accrochent toutes les saletés ambiantes tandis que la barbe envahit le menton et prend une teinte jaunâtre. Cette fourrure capillaire camoufle leur visage et leur charme naturel.

Pour les débarrasser de cet air « négligé » et faire ressortir leurs traits, Hasni dégaine sa belle artillerie. Un coup de ciseau, un revers de tondeuse et deux trois vapeurs de laque… en quelques mouvements adroits, ce coiffeur itinérant change l’apparence des sans-abri et leur procure une joie infinie. Plus qu’un arrangement capillaire, c’est un instant de partage. Hasni coiffe les sans-abri, mais il leur tend aussi une oreille attentive et écoute inlassablement leur récit. S’asseoir sur la chaise pliante de Hasni, c’est une véritable thérapie.

Il transmet d’ailleurs ce noble savoir-faire à ses fils, qu’il embarque régulièrement lors de ces maraudes capillaires. Une frange commandée par une femme aux cheveux brouillons ou un dégradé demandé par un homme contraint de se faire une queue de cheval. Hasni éclaire les visages, au sens propre comme figuré. Il redore aussi leur image auprès du grand public et ça, c’est d’une grande utilité.

Une cagnotte pour acheter un fourgon et coiffer plus de sans-abri

Récemment, Hasni a ouvert une cagnotte sur la plateforme Hello Asso. À l’heure actuelle, il se déplace à pied dans les artères principales de Grenoble. Mais il aimerait étendre sa zone d’intervention et pratiquer ses soins sur des sans-abri qui sont plus excentré.e.s. Ces dons lui permettraient donc d’acquérir un fourgon et d’être plus mobile dans l’agglomération. Ce camion d’appoint servirait aussi de refuge plus confidentiel pour accueillir les SDF dans de meilleures conditions. La rue reste un territoire hostile et impersonnel. Ce fourgon ferait office de salon « nomade » chaleureux et convivial, à l’image de Hasni.

Dans le même esprit, l’association Depaul a mis en circulation une « Mobile’Douche ». Depuis 2013, ce camion aménagé avec tout le nécessaire de toilette ouvre ses portes aux sans-abri qui souhaitent se laver dans l’intimité. Ce dispositif d’hygiène, plus efficace que les bouteilles d’eau vidées sur le corps, leur permet de se remettre au propre et de s’émanciper de cette honte qui leur colle à la peau.

Hasni, coiffeur qui taille un meilleur portrait des sans-abri et tend sa main aux plus démunis, n’est pas le seul à agir héroïquement. L’association « Règles Élémentaires », elle, distribue par exemple des protections périodiques aux femmes SDF.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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