C’est un pavé dans la mare. Sur Instagram, l’acteur français Aurélien Wiik, brise l’omerta sur les violences sexuelles subies (aussi) par les hommes dans le milieu très « select » du cinéma. Celui qui campe Gaspard dans la série française « Munch » révèle avoir été abusé de ses 11 ans à ses 15 ans par son agent et des membres de son entourage. Avec cette confidence choc faite dans l’éphémérité d’une story Instagram, Aurélien Wiik entend délier les paroles et sortir les victimes masculines d’un mutisme destructeur. Si les voix de Judith Godrèche et Adèle Haenel ont résonné derrière un #MeToo porté au féminin, ce visage phare des téléfilms tricolores propose un mot-dièse à destination des victimes masculines. À travers ce #MeTooGarçons, il souhaite créer un champ d’expression pour les hommes, qui n’échappent pas non plus aux bourreaux du 7e art.
Les révélations âpres d’Aurélien Wiik en amont du mouvement
C’est dans la simplicité la plus plate qu’Aurélien Wiik a annoncé les actes immondes qu’il a endurés aux prémices de sa carrière, alors qu’il n’était encore qu’un adolescent. En cliquant sur sa story d’hier 22 février 2024, les internautes étaient certainement loin de s’imaginer un récit aussi effroyable et révoltant. Dans une série de douze images à la durée « temporaire », l’acteur s’est libéré d’un poids. Lui aussi a été la proie de prédateur.ice.s sexuel.le.s à ses débuts dans le cinéma et bien après.
Le quarantenaire à la filmographie bien remplie a notamment évoqué les « agressions, harcèlements, tentatives de viols » proférés et entretenus par les réalisateurs et les producteurs de cinéma. Il a également fustigé les « dîners piégés organisés par des vieux avec plusieurs mineurs » et les « mains baladeuses » qu’il a, par ailleurs, su réfréner. Mais le passage qui a le plus scandalisé sa communauté est certainement celui impliquant son agent, qui a abusé de lui pendant trois années consécutives.
Aurélien Wiik est passé sous les projecteurs très jeune. À peine entré dans son ère prépubère, il avait déjà une place au cœur du film « Cache Cash » qui remonte à 1994. Mais de l’autre côté des caméras, la réalité était bien plus sombre. Dans sa story tonitruante, l’acteur dit avoir « porté plainte à 16 ans » car son agent « le faisait à d’autres ». « Je l’ai envoyé en prison, il a pris cinq ans », poursuit-il.
Souvent érigé dans des rôles de « commissaire », cette fois-ci il veut faire la justice « en vrai ». L’acteur, qui a aussi subi du chantage en échange de « faveurs », a ainsi lancé un #MeTooGarçons. Une façon de tendre un « haut parleur » aux jeunes hommes, passés entre les mains les plus sales du 7e art, et les encourager à faire tomber leurs agresseur.e.s tapie.s dans les paillettes de ce milieu.
Créer un #MeTooGarçons pour « sauver les garçons du cinéma »
Derrière le #MeToo, ce sont surtout des femmes qui brossent leurs expériences traumatisantes et évoquent leur vécu écoeurant entre les murs des studios. À voix haute dans les médias ou à grand renfort de « trigger warning » sur les réseaux sociaux elles décrivent courageusement ces violences et ces gestes déplacés subis dans l’impunité la plus totale. Alyssa Milano, violée en plein tournage. Juliette Binoche agressée par son metteur en scène à l’âge de 18 ans. Élisa Tovati, forcée de se dénuder en plein casting. Ou encore Emma de Caune, promise à un rôle féminin fort en contrepartie d’un rencard dans la chambre du producteur.
Les actrices n’hésitent plus à balancer leurs prédateurs. Les acteurs, eux, sont plus discrets et restent en marge de ce #MeToo. Pourtant, ils sont loin d’être immunisés contre ces monstruosités. C’est pour cette raison qu’Aurélien Wiik veut édifier un #MeTooGarçons dans le but de leur ouvrir un confessionnal « publique ». « Tremblez, votre tour viendra. Vous savez qui vous êtes. Les garçons du cinéma se réveillent », a-t-il conclu dans sa story. Le comédien de 43 ans a assorti ses mots retentissants du #MeTooGarçons comme pour paver la voie aux autres victimes masculines.
Avec ce #MeTooGarçons, Aurélien Wiik entend ôter de nombreux bâillons, précautionneusement installés sur la bouche des garçons. Ce mot-dièse redonne de la légitimité aux discours « masculins » et met les pleins phares sur un fléau de l’ombre. Le #MeTooGarçons prouve également que les hommes n’ont pas seulement l’étoffe des « coupables ». Ils peuvent aussi être de l’autre côté du banc des accusés, dans le camp des victimes. Une démarche salutaire.
Un mot-dièse qui fait déjà grand bruit sur la toile
Les témoignages commencent déjà à se bousculer derrière le #MeTooGarçons initié par Aurélien Wiik. Sur Instagram, les publications sont encore assez timides. Mais du côté de X (ex-Twitter), les internautes s’emparent de ce hashtag à la fois thérapeutique, libérateur et incitatif. Beaucoup tirent leur chapeau à Aurélien Wiik pour cette « secousse » nécessaire. Le hashtag est d’ailleurs en TT depuis hier avec plus de 6500 posts à son effigie. Preuve que cette « extension » masculine manquait au paysage #MeToo.
« Le lendemain, j’ai eu des flashs bizarres où je me suis fait traîner jusqu’au lit, déshabillé et où j’observai mon viol en restant figé comme une statue sans force », peut-on par exemple lire. « J’avais 18 ans, elle en avait 29. Nous avons bu un verre. Elle m’a attaché pour ‘rire’ et m’a violé toute la nuit ». Ces bribes d’histoires écrites sous des pseudos masculins confirment que la brutalité n’a pas de genre. Le #MeTooGarçons laisse entrevoir une autre lecture des violences sexuelles, plus inattendue.
Dans le sillage de Judith Godrèche, le directeur de casting militant Stéphane Gaillard a créé une adresse mail « metooacteur@gmail.com ». Dans cette boîte, dédiée à recueillir la parole écorchée des jeunes hommes abusés, les courriels affluent. Selon Stéphane Gaillard, ces récits conjugués à la première personne sont tous plus cinglants les uns que les autres.
Aurélien Wiik est l’un des premiers acteurs français à avoir publiquement exposé les innombrables bavures sexuelles commises à son encontre dans le cadre feutré du 7e art. Aux États-Unis, c’est Terry Crews, la star de « Brooklyn Nine Nine » qui l’a précédé. Le #MeTooGarçons est symbolique tant sur le fond que sur la forme.