En juin prochain, Michel Sardou se verra attribuer le titre de Grand Officier de l’Ordre national du Mérite par Emmanuel Macron. Il sera notamment récompensé pour avoir mis en lumière le « mal-être masculin ». Cependant, le chanteur à l’origine du « Lacs du Connemara », ne semble pas le mieux placé pour récolter une telle distinction. L’annonce a d’ailleurs mis les féministes dans une colère noire. Il faut dire que lors de ses dernières apparitions médiatiques, celui qui donnait de la voix sur « Être une femme », a enchaîné les propos polémiques et s’est montré ouvertement anti-féministe. Alors forcément, ce choix du gouvernement révolte jusque dans les rangs politiques.
Michel Sardou décoré de l’Ordre national du Mérite : pourquoi lui ?
Même si l’information n’a pas encore été officialisée par l’Élysée, elle fait déjà beaucoup de bruit et provoque de vives réactions. La nouvelle a fuité dans les colonnes du Nouvel Obs, le 9 avril dernier. Selon le média, Michel Sardou devrait être « sacré » Grand Officier de l’ordre national du Mérite par le président de la République. Un peu moins prestigieux que la Légion d’honneur, ce titre reste tout de même symbolique et gratifiant. Ce noble ruban bleu a trois vocations : traduire le dynamisme de la société, donner valeur d’exemple et reconnaître la diversité.
Pour l’obtenir, il faut avoir rendu des « services distingués » militaires ou civils pendant une durée de 10 ans minimum. Il implique donc bravoure, dévouement et sens aigu du devoir. Mais alors qu’est-ce que Michel Sardou, chanteur de titres populaires, a-t-il fait de si extraordinaire pour prétendre à ce grade supérieur ? Si Michel Sardou a été désigné pour arborer le blason de l’Ordre national du Mérite, c’est en partie parce qu’il s’est fait le relais des « tourments masculins ».
D’après un proche d’Emmanuel Macron, Michel Sardou « a su diagnostiquer, des décennies avant Michel Houellebecq, le mal-être masculin dans ses textes ». Le chef de l’État serait également un admirateur secret de Michel Sardou et s’échaufferait même les cordes vocales sur « Vladimir Ilitch » avant ses discours. Ce prix est donc plus un choix du cœur, un cadeau personnel qu’une décision vraiment objective.
Déjà élevé en commandeur de la Légion d’honneur en 2021, le crooner français sera de nouveau « encensé » par l’élite du gouvernement. Du côté des féministes, en revanche, le ton n’est pas à l’acclamation, mais plutôt à l’indignation. Alors qu’Emmanuel Macron avait récemment qualifié Gérard Depardieu d’immense acteur, il se met encore une partie de la France à dos en prenant la défense de Michel Sardou.
Une nomination qui embrase la toile et suscite une grogne générale
Auréoler Michel Sardou de l’Ordre national du Mérite est une grossière erreur, une énorme aberration. C’est ce que commentent en chœur les internautes, complètement sidérés par cette glorification, jugée totalement illégitime. Alors que le gouvernement se targue de faire avancer la cause des femmes, il accorde sa bénédiction à un homme qui se fiche du consentement et vante la culture du viol dans ses textes. C’est tout un paradoxe.
Les militantes féministes ne sont d’ailleurs pas les seules à avoir saisi leur clavier pour clamer leur mécontentement et faire entendre leur grogne. Des figures politiques ont aussi rebondi sur cette annonce, avec des messages acérés, entre rage et dégoût. « Le patriarcat va tomber, il vacille déjà. Mais ils se décoreront tous mutuellement avant« , avance la députée Sandrine Rousseau.
De son côté, la sénatrice Laurence Rossignol a repris les paroles de la chanson « Villes de solitude ». Ce titre de Michel Sardou, qui a investi de nombreuses bouches un peu « ignares », fait ouvertement l’apologie du viol. « J’ai envie de violer des femmes, de les forcer à m’admirer », entonnait-il. Les hommes aussi ont pris part à cette rébellion 2.0. C’est le cas du député Andy Kerbrat qui fustigeait l’arnaque du terme « mal-être masculin » et concluait, non sans sarcasme, « sinon, des nouvelles de la grande cause du quinquennat d’Emmanuel Macron ? ».
Pour rappel, le président de la République voulait faire de l’égalité homme-femme, son cheval de bataille. En coiffant Michel Sardou de l’Ordre national du Mérite, il fait plutôt un pas en arrière. « Le 1er avril, c’était il y a 8 jours », commentait Anne-Cécile Mailfert, à la tête de la Fondation des Femmes. Si certain.e.s, comme Rachida Dati, saluent un monument de la chanson, la plupart voient en cette distinction une insulte envers toutes les femmes.
Si Michel Sardou est à la chanson française ce que Michel Houellebecq est à la littérature française, qui donc pourrait les représenter l’un et l’autre dans le domaine du cinéma ? Et pourquoi Gérard Depardieu (également célébré par not’ président) 🙃
— Joan Stavo-Debauge (@JoStavoDebauge) April 9, 2024
Fascinant. Faire du sexisme beauf le plus crasse un phénomène d'avant-garde. On ne flirte pas directement avec le masculinisme/incel de l'extrême droite ?
— Racisme Social (@RacismeSocial) April 9, 2024
Michel Sardou, une personnalité problématique
Lors de ses récents passages en plateau Michel Sardou a enchaîné les bavures. À chaque fois qu’il est intervenu au micro, c’était pour taper sur les femmes. Invité sur BFMTV en janvier 2023, il avait notamment déclaré « les féministes m’emmerdent, #Metoo par exemple, c’est dangereux ». Il infuse également des concepts misogynes et sexistes sur scène, face à un public « adoratif ». Lors de son concert d’adieu à l’Accord Hotel Arena, qui sonnait le glas de sa carrière, il broyait la notion de consentement.
« Un jeune homme qui pose sa main sans son consentement sur la main d’une femme, c’est garde à vue direct. S’il a l’audace de vouloir poser sa main ailleurs, là, c’est Fleury-Mérogis ! », avait-il lancé avant d’interpréter « Je vais t’aimer »
Cet adepte du « on ne peut plus rien dire aujourd’hui » est également auteur de titres particulièrement dérangeants. Sous le prétendu « mal-être masculin » s’esquissent d’autres messages empreints de racisme, de sexisme ordinaire et de virilité malsaine. « J’avais plein de serviteurs noirs et quatre filles dans mon lit, au temps béni des colonies », peut-on entendre dans sa chanson « Le Temps des colonies ». « Je vivais l’étrange drame, d’être une femme », dans la version revisitée « Être une femme 2010 ». Malgré les rimes et les alexandrins, cette prose n’adoucit pas le fond des propos, complètement anti-femmes. Décorer Michel Sardou de l’Ordre national du Mérite apparaît donc comme une vaste supercherie.
Dans la foulée, Thierry Ardisson s’est vu remettre la Légion d’honneur. Un énième coup de grâce. L’animateur avait plaisanté sur l’inceste de Christine Angot et s’était moqué des cheveux afros de l’actrice Stéfi Celma. Ces nominations font ressurgir cette éternelle question « faut-il distinguer l’homme de l’artiste ? ».