Depuis quelques années, une nouvelle figure féminine s’impose et redessine les normes de beauté. De ses mains herculéennes, elle broie le mythe de la femme frêle et fragile. Charpentée comme un tank, elle envoie du lourd à la salle de sport et intimide ses homologues masculins. Elle roule volontiers des mécaniques pour provoquer son public. Loin de ressembler à toutes ces « fit girls » au corps svelte qui se limitent au tapis de course et à la barre de squat, elle soulève de la fonte et excelle au développé-couché. Cette femme au physique de compétition et au mental d’acier, elle se fait surnommer la « Muscle Mommy ». Sur les réseaux sociaux, elle fait des zooms grossissants sur ses biceps saillants et ses cuisses blindées. Son corps musclé est sa plus grande fierté. Autant le dire : elle donne des sueurs froides aux mâles alpha et à la société.
La Muscle Mommy sculpte un nouveau modèle de beauté
Depuis la nuit des temps, la société patriarcale hisse les femmes en petites choses fragiles et les hommes en bouclier humain. Dans les films Hollywoodiens, la femme a sans cesse besoin d’un homme pour se défendre. Son corps fluet, quasi juvénile, ne lui permet pas d’aller au combat et de s’auto-suffire. Alors forcément, dans l’imaginaire collectif, une femme musclée est une disgrâce, voire un supplice pour les yeux. Ce physique massif conjugué au féminin relève presque du surnaturel. Mais la Muscle Mommy, nouvelle égérie de la beauté « non conventionnelle », fait la peau à ces vieux clichés. D’un coup de basket, elle piétine cette idée de la femme « porcelaine », qui requiert toujours un vigile à ses côtés.
À l’opposé de la pin-up élancée, qui s’entretient sans jamais toucher à la fonte ou aux barres métalliques, la Muscle Mommy fait de la salle de musculation sa deuxième maison. Cette femme, qui a la quarantaine bien tassé, ne sillonne pas les machines en quête de fesses rebondies ou de ventre plat. Elle part à l’assaut des poids pour reconquérir son corps et s’émanciper de l’injonction à être mince, douce et vulnérable. Son corps congestionné, capturé dans le miroir des vestiaires, élargit le sens du mot « féminité ». Il incarne un autre idéal.
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Les véritables intentions de la Muscle Mommy, au-delà des muscles
Derrière ce physique impressionnant, il y a bien plus qu’un simple culte de la performance ou un devoir de concurrence. La « Muscle Mommy » revendique le droit à un corps puissant, résistant et indestructible. Plus qu’une fit girl lambda, la Muscle Mommy est une sportive badass qui assume ses pecs, ses cuisses en 4D et son dos colossal. Loin de se cacher derrière la presse ou de s’engluer sur un vélo elliptique, la Muscle Mommy empiète volontiers sur le terrain de ces messieurs.
« Du bodybuilding à l’haltérophilie, une muscle mommy est une personne qui pratique des exercices de musculation dans le but de développer et de maintenir sa masse musculaire, d’améliorer sa force et sa condition physique générale. Ce titre est également utilisé pour symboliser l’empowerment et la confiance en soi, en soulignant la force et les prouesses physiques des femmes », décrit le site de référence GymShark
Une esthétique « body buildée » qui crispe la société
Antithèse de la mannequin taille zéro et de la muse vintage à la Marylin Monroe, la Muscle Mommy suscite souvent les haut-le-cœur de la société. Accusée d’avoir un physique « de garçon » et un corps trop développé « pour une fille », elle est rarement acclamée pour ses exploits. Les hommes la voient comme une menace. S’ils crient à la laideur et l’accusent d’être montée sur stéroïdes, c’est certainement parce qu’ils ont peur de se faire voler leur place. La Muscle Mommy est sa propre héroïne. Avec sa musculature en titane, elle n’a pas l’utilité d’un garde du corps ni d’un homme protecteur.
Face à la Muscle Mommy, la gent masculine se sent bien démunie. Elle craint de perdre son statut de sauveur et le pouvoir de supériorité qui va avec. Les muscles ont longtemps été aperçus sur des silhouettes masculines, d’Apollon à Tibo Inshape. Chez les hommes, c’est un indicateur de virilité tandis que chez les femmes, c’est une aberration. La Muscle Mommy, bodybuildée de la tête au pied, froisse l’image de la femme « poids plume », qui doit quémander pour ouvrir un pot de cornichon. Elle prouve que les muscles ne sont seulement le privilège anatomique des hommes et peuvent s’implanter sur tous les corps.
Cette adepte de culturisme délaisse les feuilles de salade pour une bonne portion de poulet et troque son latte du matin contre un shaker protéiné. Mais hors de la salle, elle porte volontiers des talons hauts et des robes glamour. La Muscle Mommy est la contraction du masculin et du féminin. Elle chérit chaque centimètre de ce physique « énorme et sec » sans pour autant renoncer à la coquetterie.
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Le Muscle Mommy, rempart contre la « gym anxiety »
D’après une étude mentionnée dans le média britannique Stylist, 65 % des femmes ont peur d’aller à la salle de sport. Elles ne se sentent pas les bienvenues entre ces appareils de compétition et redoutent les remarques déplacées des principaux occupants. Mais la Muscle Mommy leur prouve le contraire. Elle en impose dans cet espace qui transpire de testostérone. Elle n’hésite pas à se hisser dans des machines ordinairement monopolisées par les hommes.
Personne ne lui donne de leçons ou ne tente de corriger ses gestes tant sa confiance dégouline. Tout le monde lui accorde le respect, y compris les Gymbro, qui ont parfois le conseil facile. La Muscle Mommy, c’est cette femme qui débarque entre les tapis avec cette hargne palpable et ce fervent désir de se faire du bien. Elle déconstruit les stéréotypes liés à la musculation, prouvant que la force physique ne se limite pas à une apparence. Elle inspire une approche plus positive de l’entraînement, où l’accent est mis sur le bien-être, la santé et le plaisir de bouger plus que sur le résultat final.
Véritable rôle-modèle, la Muscle Mommy ne s’acharne pas à la salle pour avoir un physique attrayant. Ni pour plaire à la société. Elle soulève des haltères au nom de la liberté, celle d’être soi. Elle refuse de se muscler avec parcimonie. Cependant, elle peut aussi doper les complexes de celles qui se complaisent dans leur canapé. À l’exercice du féminisme, elle n’atteint pas encore la cheville de la sorcière ou de la sirène.