Le 14 juillet dernier, le site internet de vidéos pornographiques XHamster a publié la liste des mots-clés les plus recherchés en France sur sa plateforme. En première proposition, le mot « beurette ». Pire encore, le site en question relayait l’information avec enthousiasme. Alors le collectif féministe Nta Rajel qui réunit des femmes nord-africaines a organisé une riposte : le hashtag #PasVosBeurettes. Très vite, des dizaines d’internautes s’en sont emparés pour dénoncer la fétichisation et le mépris dont ce terme est le symbole.
« Beurette », un terme dégradant à bien des égards
Afin de réellement comprendre le cœur de la polémique, une brève contextualisation s’impose. Le mot « beurette », au-delà d’être simplement le féminin du mot « beur », c’est à dire « arabe », représente en réalité un ensemble de stéréotypes très loin d’être flatteurs.
Historiquement, l’hypersexualisation des femmes étrangères et notamment des femmes nord-africaines provient de l’époque coloniale. Au XIXe siècle, il était dit que la femme « orientale » était sexuellement réprimée et donc qu’elle n’attendait que le secours de l’homme blanc pour assouvir ses désirs.
La représentation caricaturale actuelle de la jeune femme d’origine maghrébine aux mœurs légères et au maquillage outrancier n’est que le prolongement de cet imaginaire colonial. Le mot beurette réduit les femmes qualifiées ainsi au rang d’expérience « exotique » et nie leur individualité propre. L’usage répandu de ce terme sur des sites pornographiques n’est donc en rien un signe d’ouverture et de tolérance mais bien la perpétuation de stéréotypes raciaux.
Certains hommes nord-africains eux-mêmes reprennent ce terme pour dénigrer des femmes dont ils réprouvent le tenue ou le comportement. C’est dire à quel point, le racisme et le sexisme peuvent être intériorisés !
La réponse salutaire des concernées
En réponse à cela, le collectif féministe Nta Rajel a lancé le hashtag #PasVosBeurettes pour dénoncer l’hypersexualisation des femmes de la diaspora nord-africaine en France.
« beurette », « marocaine », « arabe »… ?
La fétichisation de la femme maghrébine dans toute sa splendeur… je refuse d’être votre fantasme sexuel, sexiste et raciste. #PasVosBeurettes https://t.co/M5xluYLP5B— seine saint denis style (@lemonvie_) July 16, 2019
Le collectif a par la suite publié un communiqué pour expliquer sa démarche :
« Nous sommes celles qui sont constamment déshumanisées derrière des termes racistes tels que “beurette” ou “gazelle”. Nous sommes celles dont les consentements sont largement bafoués dans la sexualité ; nos corps étant représentés et perçus comme des objets sexuels. »
Il s’agit donc pour ces femmes, de se réapproprier l’image que l’on donne d’elles : elles exigent qu’on les considère comme des sujets et non des objets. Toutefois, il ne s’agit pas non plus de nier aux femmes nord-africaines une vie sexuelle libérée si elles le souhaitent. Elles soulignent cela dans ce même communiqué :
« Que les choses soient bien claires : les femmes nord-africaines peuvent bien évidemment s’adonner à la vie sexuelle qu’elles désirent. Nous dénonçons le fantasme déshumanisant, dégradant et fétichisant qui polarise le mot “beurette”. (…). Nous n’avons besoin ni d’être préservées, ni d’être libérées ou sexualisées »
Dans le top des recherches publié par XHamster, on a pu également trouver le mot « viol ». Cette popularité alarmante est le reflet de l’inconscient collectif d’une société qui n’a malheureusement pas pleinement intégré la notion de consentement.
Chez The Body Optimist nous sommes de ceux qui encouragent les mouvements tels que #PasVosBeurettes, afin que l’on puisse déconstruire les imaginaires sexistes et racistes. Ce sujet qui semble relever strictement de la sphère intime a en réalité des implications politiques. Chacun d’entre nous, concerné ou non, peut contribuer à lever ce tabou dangereux ?