Ce qui devrait être un moment de bien-être se transforme parfois en cauchemar. Le lieu ? Une piscine municipale, un espace que vous fréquentez peut-être régulièrement pour nager, vous détendre, bouger sans pression. L’ambiance ? Calme, chlorée, sécurisée… en apparence. Sauf que pour de nombreuses femmes, ce décor cache une autre réalité. Et c’est la journaliste Laurène Daycard qui, en osant raconter sa propre mésaventure, a mis un coup de projecteur sur un phénomène bien plus répandu qu’on ne l’imagine.
Une scène choquante dans un lieu supposé sûr
Le 2 avril 2025, Laurène Daycard publie un témoignage glaçant sur son compte Instagram. Alors qu’elle se change dans une cabine de la piscine George Hermant, dans le 19e arrondissement de Paris, elle remarque un sac à dos posé au sol, glissé sous la paroi, avec un petit trou soigneusement découpé. Une caméra, un smartphone. Une tentative de captation clandestine. « Je hurle de colère – ‘Mais c’est pas vrai, on est en train de me filmer !' », écrit-elle dans son post Instagram.
Son cri n’est pas resté sans réponse. L’agresseur est interpellé par le personnel, reconnaît avoir filmé plusieurs femmes, y compris de très jeunes filles. Le choc est immense. Une plainte est déposée. Ce qui glace davantage encore, ce sont les mots d’un agent de la piscine : « Cela arrive souvent », lui dit-on.
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Ce n’est pas un cas isolé
Et c’est là que la réalité frappe. Ce n’est pas un fait divers. Ce n’est pas un incident isolé. C’est une pratique, un système, un comportement ancré. Depuis le début de l’année, 17 signalements similaires ont ainsi été enregistrés dans cette seule piscine. 17 sur quelques mois. Et ce chiffre ne tient sans doute pas compte des nombreuses femmes qui n’ont pas vu, qui n’ont pas su, ou qui n’ont pas osé signaler.
Les méthodes, elles, ne cessent d’évoluer : trou dans un sac à dos, miroir semi-réfléchissant, perceuse silencieuse pour percer les parois sans éveiller les soupçons. Le tout avec un objectif clair : enregistrer sans consentement des images de corps dénudés, vulnérables, dans un moment d’intimité. Ce n’est pas seulement une atteinte à la vie privée. C’est une violence.
Depuis son témoignage, des centaines de femmes ont contacté Laurène Daycard pour partager des histoires similaires, transformant son post en un véritable espace de témoignages. « C’est un problème impensé. Il n’existe aucune campagne de prévention dans les piscines publiques, alors qu’il y en a plus de 4 000 en France ».
Un besoin criant de réaction collective
Face à l’émotion suscitée, la Ville de Paris a promis des actions : inspections dans toutes ses piscines, renforcement de la présence du personnel dans les vestiaires, campagne d’affichage pour sensibiliser contre les violences sexistes et sexuelles. Des mesures nécessaires, mais largement insuffisantes si elles ne s’accompagnent pas d’une vraie prise de conscience nationale.
Ce que cette affaire soulève, c’est l’urgence de remettre en question notre conception des espaces publics. Car un vestiaire, ce n’est pas un endroit banal. C’est un lieu où vous êtes en confiance, dans votre bulle, parfois nue, souvent sans défense. Vous y venez pour prendre soin de votre corps, ce corps qui a le droit d’exister dans toute sa diversité, sa beauté, sa force, sa douceur, sans être scruté ou capté en cachette.
Parler pour reprendre le pouvoir
Ce que Laurène Daycard a déclenché, c’est bien plus qu’une vague d’indignation. Elle a ouvert un espace. En partageant son histoire, elle a reçu des centaines de messages de femmes racontant, elles aussi, des faits similaires. Certaines ont été filmées à la piscine, d’autres dans des cabines d’essayage, des toilettes publiques, des festivals, des centres de sport. Partout où la vigilance baisse, où l’on croit pouvoir respirer tranquille.
Son courage nous rappelle l’importance de la parole. De votre parole. Car c’est en parlant, en brisant les silences, qu’on détruit les murs de honte ou de culpabilité trop longtemps imposés aux victimes. Ce n’est jamais à vous de vous cacher. Ce n’est jamais votre corps qui est en tort. C’est le regard intrusif qui l’est, c’est l’acte délictueux qui doit être dénoncé.
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Redonner aux vestiaires leur fonction première : la sécurité
Les vestiaires doivent redevenir ce qu’ils n’auraient jamais dû cesser d’être : des refuges. Des lieux où vous pouvez vous changer, respirer, transpirer, rigoler entre amies, nouer votre bonnet de bain, replacer votre maillot sans stress. Qu’importe votre âge, votre corps, votre genre, votre parcours. Vous avez le droit d’être là. Entièrement. Sans devoir surveiller le moindre recoin.
Les piscines municipales sont des lieux de bien-être, d’inclusion, d’effort joyeux. Elles doivent rester des espaces où l’on se sent vivante, à l’aise dans sa peau – que vous portiez un une-pièce flashy, un bonnet fluo, ou que vous préfériez rester sur le bord avec un bouquin.
Cette affaire nous le rappelle : le respect de l’intimité n’est pas une option, c’est un droit. Alors la prochaine fois que vous poussez la porte d’un vestiaire, faites-le avec la tête haute. Ce lieu vous appartient autant qu’à n’importe qui. Et si vous voyez quelque chose de suspect, parlez. Aucun corps ne mérite d’être violé dans son intimité. Parce que vous méritez la tranquillité, la liberté, et la sécurité. Partout. Toujours.