Places réservées aux femmes dans les parkings souterrains : sécurité ou discrimination ?

Peu éclairés, isolés des regards, démesurés… les parkings souterrains sont assez lugubres et peu avenants. Il ne manque plus qu’une lumière qui clignote et des bruits suspects pour se croire dans un décor de film d’horreur. En général, les femmes préfèrent ne pas s’y éterniser. Elles accélèrent leur rythme de marche pour en sortir rapidement et éviter de faire une mauvaise rencontre. Mais parfois ça ne suffit pas. Cet été, à Metz, une jeune femme a subi un viol dans ce dédale de voitures situé en sous-sol. Pour que ce genre d’événements dramatiques ne se reproduise plus, la ville va créer des « places réservées aux femmes » dans les parkings souterrains. Une mesure inspirée de l’Allemagne qui vise à rassurer ces mesdames lorsqu’elles quittent ou regagnent leur véhicule. Ces nouvelles cases estampillées d’un personnage en robe ou peintes en rose vont-elles vraiment enrayer les insécurités ? 

Une initiative inspirée de l’Allemagne

Garer sa voiture dans un parking souterrain, faute de place en extérieur, est un acte banal. Si certains redoutent de ne pas trouver de place à l’étage « -1 » ou de tourner en rond trop longtemps, les femmes, elles, ont une toute autre crainte. Ces lieux, qui feraient un excellent cadre pour un thriller anxiogène, ne leur inspirent pas vraiment confiance. Alors une fois le seuil de la portière franchie, elles se précipitent vers la sortie. Bientôt, à Metz, les habitantes n’auront plus à faire des kilomètres dans cette infinie galerie de voitures.

La ville envisage de créer des « places réservées aux femmes » dans ses parkings souterrains afin qu’elles se sentent plus rassurées en rejoignant le siège passager. Sur le même principe que les stationnements handicapés, ces zones dédiées aux conductrices seront situées près des issues de secours et balayées par des caméras de surveillance. À ce jour, les parkings souterrains sont souvent plongés dans l’obscurité et font une excellente planque pour les prédateurs chevronnés. En été dernier, dans la commune mosellane, une jeune femme s’est faite violer dans un recoin du parking du centre commercial Saint-Jacques. Suite à ce terrible fait divers, le maire souhaite aménager des places de stationnement réservées aux femmes à proximité des entrées et des sorties des parkings.

Ce dispositif n’a rien d’inédit. Il existe d’ailleurs depuis une trentaine d’années chez nos voisins allemands et se fait appeler « frauenparkplatz ». Dans la capitale luxembourgeoise aussi, les parkings possèdent des places à l’effigie des femmes. Les femmes n’ont donc plus à courir ou à garder leur main sur leur parfum de poche pour atteindre l’habitacle. Ces encarts, reconnaissables en un coup d’œil, sont, certes, faciles d’accès, mais ils sont parfois occupés par des hommes. Et aux yeux de la loi, ils ne sont pas en tort.

Des résultats assez peu convaincants

Ces places réservées aux femmes dans les parkings souterrains sont plutôt bien accueillies par les principales concernées. Au-delà de rendre ces trajets à huis clos plus paisibles et expéditifs, elles permettent surtout d’éviter les portions lugubres et menaçantes. Les femmes qui sortent tard du travail ou qui veulent prolonger la fête jusqu’à l’aube ne sont plus obligées de parcourir un parking désert avec la boule greffée au ventre. Elles se sentent plus sereines et moins vulnérables. Or, comme le rappelle l’édile de Metz, « aujourd’hui, on n’a pas de lois ou de décrets qui permettent de réserver des places aux femmes ». Résultat : certains s’y rangent sans scrupules pour gagner du temps.

« Le problème c’est qu’elles sont souvent occupées par des hommes. C’est comme pour les places handicapées, tout le monde ne respecte pas », raconte une Luxembourgeoise à France 3 Région

Puisque ce dispositif dépend du bon vouloir des citoyens, il risque de devenir « superflu », voire contreproductif. D’autant que la France détient le titre de championne d’Europe des incivilités. Les automobilistes sondées à Metz estiment aussi qu’il serait plus judicieux d’engager un gardien « en chair et en os » ou des vigiles pour dissuader les harceleurs de passer à l’acte. Ces places réservées aux femmes dans les parkings sont également plus visibles et identifiables. Les prédateurs les plus coriaces savent ainsi où se placer pour sauter sur leurs proies et les prendre au piège.

Des places parfois très genrées, mais appréciées

Selon les pays, ces places réservées aux femmes dans les parkings changent d’apparence. Or la plupart sont désignées avec une patte sexiste. À leurs prémisses en Allemagne, elles étaient plus larges que la moyenne et peintes en rose bonbon. Les plus machos avaient tout de suite déduit que ces places étaient configurées ainsi pour permettre aux femmes de manoeuvrer sans s’y reprendre quinze fois. Pourtant, si leurs proportions avaient légèrement changé c’était pour faciliter le passage des enfants. Sauf que toutes les femmes ne sont pas nécessairement mamans. Heureusement, aujourd’hui, elles sont un peu plus neutres et moins stigmatisantes. Sobrement illustrées par l’icône d’une femme en robe sur fond bleu ou apposée par terre en taille XXL, elles ont bien évolué.

Même si elles sont souvent situées à bonne distance des poteaux encombrants, ça ne doit pas être pris comme une attaque personnelle. Cet agencement est stratégique et ne sous-entend en aucun cas que les femmes sont des pilotes médiocres. Toutefois, la Chine a légèrement dépassé les bornes en abusant un peu trop des sigles à caractère sexiste. Un escarpin étalé sur le bitume (comme si les femmes se baladaient toujours en talon haut), une couleur rose Barbie… un peu too much. En Allemagne, certains Länder imposent un quota minimum de 5 % de places réservées aux femmes dans les parkings. Pour l’heure, en France, seule la ville de Mulhouse a enclenché la deuxième et suivi le modèle germanique.

Ces places dédiées aux femmes dans les parkings souterrains partent d’une bonne intention. En revanche, ce dispositif somme toute louable déplace le problème au lieu de s’y attaquer frontalement. C’est exactement pareil que lorsque l’on recommande aux femmes de changer de trottoir pour ne pas se faire agresser. 

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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