Dans l’habitacle, les GPS ont remplacé les fameuses cartes routières, objet de toutes les discordes. « Tournez à droite », « au rond-point, prenez la troisième sortie », « faites demi-tour »… grâce à ces précieuses indications, vous pouvez rejoindre votre destination finale (presque) sans « ratés ». Cette voix vous a certainement parfois tapé sur les nerfs, mais elle vous a toujours été d’un grand renfort. Si désormais vous pouvez modifier cette voix qui vous accompagne sur la route des vacances et même demander à Roger Federer de jouer le guide, par défaut c’est une femme qui vous dicte le chemin. Un choix pas si anodin qu’il en a l’air. D’ailleurs, il suffit de tendre l’oreille. La majorité des assistants vocaux, qui exécutent vos ordres et s’appliquent à être dociles, sont formatés au féminin. Voici réellement pourquoi les GPS vous content l’itinéraire avec des voix féminines. Spoiler : il y a du sexisme là-dessous.
Une voix plus douce, empathique et moins autoritaire…
Autrefois, c’était la personne assise sur le siège passager qui se chargeait de faire la co-pilote et de donner les instructions de parcours. Il fallait savoir déchiffrer l’incontournable carte routière et ses mille et un tracés, mais surtout avoir un bon sens de l’orientation pour assumer ce rôle. Les informations tombaient souvent avec un peu de retard. Il n’était donc pas rare de louper une sortie et de rallonger un peu plus les kilomètres. Ou alors de prendre des allées totalement hasardeuses, plus destinées à des tracteurs ou des 4×4 qu’à des citadines. Désormais, ce sont les technologies qui sont réquisitionnées pour accomplir cette rude tâche et vous conduire droit au but.
Les GPS, greffés à la bouche de climatisation, vous indiquent la direction à prendre et vous font contourner les bouchons. Ils rythment tout votre périple à quatre roues. Cette voix, qui jaillit du haut-parleur de votre téléphone et qui vous expose la feuille de route en temps réel, a une consonance féminine. À l’heure de « tous les possibles », vous pouvez laisser l’envoûtante Christina Aguilera contrôler vos coups de volant ou vous faire commander par un instructeur d’aérobic des années 70. Mais dans leur forme originelle, les GPS s’adressent à vous avec des voix féminines.
Une configuration « stratégique » d’après ceux qui en sont les auteurs. Plus encore, c’est même une question de business. Pour humaniser ces robots, les voix dites de femmes étaient plus confortables à l’oreille et plus apaisantes. À l’inverse, les voix dites d’hommes, généralement plus proches des graves, faisaient trop sévères et s’avéraient plus intimidantes. Lorsque vous choisissez l’organe vocal de David sur Waze, vous avez plus l’impression d’être menacé que d’être secondé.e. Austère, froid et autoritaire, ce baryton vous agresse plus qu’il ne vous oriente.
Des préférences « genrées » encouragées par les utilisateur.ice.s
Si vous préférez Vanessa et sa voix mélodieuse à David, ce petit insolent, sachez que cette affinité est commune à de nombreux.ses autres automobilistes. Selon une étude suisse réalisée en 2021, cette préférence illustre une vision très cliché des voix. Les internautes interrogé.e.s tendent ainsi à associer les voix féminines à des stéréotypes tels que « délicates » et « empathiques », tandis que les voix masculines sont perçues comme étant « dominantes ». Les entreprises, soucieuses de rendre l’expérience sonore la plus agréable possible, optent donc souvent pour une voie qui semble créer moins de friction ou de confrontation. Soit une voix de femme.
Historiquement aussi, les femmes ont été cantonnées à des rôles de soins, d’assistance et de maternage. C’est donc presque tout naturellement qu’elles se hissent derrière les objets connectés « obéissants » comme Alexa. Si les assistants vocaux sont conçus au féminin, c’est parce qu’ils ont pour vocation d’aider et de se dévouer à leur propriétaire. Deux « qualités » inlassablement attribuées à ces mesdames. Finalement, ces GPS qui vous guident avec des voix féminines ne sont rien d’autre que le relais moderne de votre maman. À l’époque, c’est elle qui était les « yeux et la voix » de votre père et qui portait le chapeau lorsqu’elle divaguait un peu trop.
La science de l’acoustique, autre critère déterminant
Si les GPS arborent des voix prétendument féminines, c’est aussi pour des raisons pratiques. Certes, les voix d’hommes portent peut-être plus dans une foule, mais les voix de femmes, elles, se distinguent plus facilement du brouhaha ambiant. D’un point de vue purement acoustique, les voix féminines, généralement plus aiguës, sont mieux perceptibles à l’oreille. Surtout dans des environnements bruyants comme l’habitacle de la voiture où se mêlent les cris des enfants, les grésillements de la radio et le souffle puissant de la clim. Les instructions du GPS sont plus audibles et moins susceptibles d’être noyées par les nuisances alentour.
Cela dit, il ne s’agit pas seulement d’une question de tonalité. Les ingénieurs du son conçoivent ces voix pour être claires, neutres et agréables à l’oreille humaine. Cela pourrait expliquer pourquoi tant de systèmes GPS, mais aussi d’assistants virtuels (comme Siri, Alexa ou Google Assistant), ont des voix féminines prédéfinies. D’ailleurs, elles ne sont pas toujours affublées d’un « sexe ». C’est simplement notre subconscient qui fait le rapprochement.
Vers des voix non-genrées à l’avenir ?
Avant le grand départ, vous pouvez régler la voix de votre GPS à votre convenance et vous permettre toutes les folies. Sur Waze, vous avez des tessitures et des tonalités à la carte. Il y a Mireille et son accent chantant pour vous mettre dans l’ambiance provençale ou Biloute pour vous familiariser avec le patoi du Nord. Il y a aussi une surfeuse zen pour mettre la pédale douce sur le stress. Or au milieu de ce joyeux palmarès, pas d’étiquette « non genré ». Les GPS ont quasi toujours un petit nom pour paraître « plus amicaux ».
Cependant, bientôt, vous pourrez peut-être opter pour une voie sans parti-pris. Apple l’a déjà fait à travers Siri. La société, qui s’inscrit dans les GAFA, propose désormais une voix non-sexiste enregistrée par un membre de la communauté LGBTQ+. Dans son rapport « I would blush if I could », l’UNESCO préconise d’ailleurs d’explorer plus largement cette solution et d’établir une voix plus équilibrée, à la frontière du masculin et du féminin.
La plupart des GPS adoptent des voix féminines. Mais vous exercez un certain pouvoir dessus. Pour rassurer votre féminisme, misez sur des voix d’animaux. Elles agacent peut-être à la longue, mais au moins elles ont le mérite d’être vraiment « neutres », comme celles des cartoons.