Tous les ans, c’est la même rengaine, la même question revient en boucle : « Et toi alors, tu fais quoi pour le Premier de l’an ? ». Mille et une options s’offrent à vous. Faire un bon repas avec des ami.e.s, les retrouver au bar, faire la fête chez quelqu’un, ou en boite ? En tout cas, hors de question de ne rien faire, c’est LA soirée de l’année ! L’est-ce vraiment ? Pourquoi ressent-on une pression à fêter le Nouvel An ?
L’histoire du Nouvel An
Saviez-vous que nous pouvons dater le Nouvel An ? En effet, il remonte au XVIe siècle. Alors que le royaume est aux prises de guerres de religion, le roi de France Charles IX décide d’imposer la Nouvelle Année au 1er janvier dans la Déclaration du Roussillon.
Son objectif est d’uniformiser quelque peu le royaume où la nouvelle année pouvait commencer entre le 25 décembre et le 1er avril selon les régions. Alors, la mesure est en vigueur depuis le 1er janvier 1567. Par la suite, en 1582, le Pape Grégoire le généralise à tout le monde chrétien en même temps qu’il institue le calendrier grégorien.
Le Nouvel An sous le joug de la tradition
La Saint-Sylvestre est un condensé de traditions en tout genre. D’abord, il vous faut vous habiller élégamment. Cela vient de l’obligation d’antan de porter de nouveaux habits pour passer à la nouvelle année, en signe de renouveau.
Ensuite, vous devez manger copieusement et délicieusement. C’est parce que depuis l’Antiquité, il est de coutume de manger des mets porte-bonheur. Alors, plus il y a de plats, plus vous serez chanceux.se cette année ! Quant à la tradition du gui, même si elle est importée d’Angleterre, nous jouons bien volontiers le jeu puisqu’elle porte bonheur également !
Le Nouvel An, synonyme de lassitude
Sauf que finalement, ce n’est qu’une fête de plus ajoutée à la longue liste de celles que vous vivez l’année. Les agapes se sont démocratisés sous le coup des soirées étudiantes et week-ends festifs. Mais la pression sociale autour du Nouvel An nous incite à le fêter. Alors, on tâche de décorer un peu cette fête à coups de feux d’artifices et robes à paillettes, histoire de la rendre plus attrayante.
D’une part, vous êtes sûrement fatigué.e à l’idée de devoir tout organiser, parfois des mois à l’avance. D’autre part, les soirées organisées sont souvent déceptives parce que sources de trop d’attentes. En vérité, les meilleures soirées sont les plus impromptues.
Ainsi, la nouvelle mode pour essayer de pimper la Saint-Sylvestre, c’est d’aller le fêter dans une capitale européenne. Mais même cela perd en originalité et les personnes que vous auriez pu croiser sur les champs à minuit sont les mêmes qui mangent du raisin à côté de vous sur la Plaza Mayor.
Le Premier de l’an, fête obligatoire ?
Si peu réjouissante puisse-t-elle vous paraître, vous ne pouvez y échapper. C’est une véritable contrainte sociale que de festoyer au Nouvel An. Une part de vous se sent peut-être forcée d’y aller pour contrecarrer ce bad mood que l’on peut avoir en fin d’année. En effet, ces moments-là marquent le passage du temps, cela pousse à beaucoup de réflexion et de remises en question. Alors, pour se changer les idées, rien de mieux qu’un peu de compagnie et de fête !
Mais la pression sociale à devoir fêter le Nouvel An nous amène à céder, par conformisme. Et d’ailleurs, cette pression sociale est aussi devenue une pression commerciale ! Le philosophe Laurent Fournier explique :
« C’est une forme de marketing à l’aune des pratiques de tourisme où l’on explique aux Français.es qu’iels doivent absolument faire quelque chose d’extraordinairement intense le 31 décembre, si possible dans des lieux exceptionnels, avec une « exotisation » outrancière »
Et cela mène souvent à un phénomène de surconsommation. L’arrivée des réseaux sociaux dans nos vies n’a rien arrangé. Vous ne pourrez passer à côté des stories et des posts Instagram qui vous pousseront irrémédiablement à la comparaison. Puisque c’est le jeu… Il est même possible que vous aussi vous jouiez le jeu et surenchérissiez pour ne pas perdre la face et avoir des choses à raconter ensuite. Le sociologue Rémy Oudghiri conclut avec raison :
« Pour vivre heureux.ses, vivons caché.e.s, soit l’une des manifestations de « l’instagramisation » de nos comportements »
Et si on annulait le Nouvel An ?
Ne rien faire pour le Premier de l’an est socialement très dénigré, cela revient à se tuer socialement, passer pour une personne aliénée ou asociale. Selon Christophe Moreau, faire la fête au Nouvel An n’est pas un choix personnel, c’est une pression sociale. Mais en vérité, toutes ces injonctions pèsent. Nombre de personnes sont agacées de devoir embrasser et souhaiter le meilleur à de pur.e.s inconnu.e.s saouls qu’iels ne reverront probablement jamais.
En réaction, deux groupes se distinguent. Les premiers décident de faire un repas en plus petit comité. Iels ne sont que quelques ami.e.s, partagent souvent un bon repas et plient moins sous le coup d’un trop-plein d’alcool. Les seconds ne fêtent tout simplement pas la Nouvelle Année. Certain.e.s sociologues pensent qu’à l’ère des réseaux sociaux, cela pourra devenir une mode. Dans cette nouvelle contemporanéité qui veille à la réaffirmation de sa liberté et au rejet des conventions et dogmes sociétaux, sauter le Premier de l’an serait une démystification ultime.
Finalement, prendre le Réveillon à la légère, ne pas se forcer à l’explosion de joie devant un changement d’aiguille et partager un beau moment authentique avec ses proches est tout de même une belle manière de passer en 2024 !