Depuis le 16 septembre, Masha Amini, condamnée pour son voile légèrement tombant, puis décédée après avoir été arrêtée, est devenue le visage des révoltes féminines en Iran. Dans ce pays dicté par la République islamique, les femmes défient l’autorité pour rendre hommage à cette « soeur » emportée par des diktats rigoristes dévastateurs.
Cette vague de protestation inédite se déverse au-delà des frontières, dévoilant son caractère vital pour les femmes d’Iran et d’ailleurs. Cette rébellion à résonance mondiale fait front à tous ces régimes autoritaires qui ont trop longtemps malmené les femmes en silence. Aujourd’hui les lignes bougent pour redorer la précieuse liberté des Iraniennes. Décryptage.
Mort de Masha Amini, quand l’animosité envers les femmes atteint son paroxysme
Son nom s’écrit en lettre capitale sur la toile et dans la rue comme le symbole d’une lutte acharnée contre les dérives cruelles du régime Iranien. Le 13 septembre dernier, Masha Amini a été arrêtée par la police des mœurs de Téhéran pour « port de vêtements inappropriés ». Il n’était pas question d’une jupe trop courte ou d’un décolleté trop plongeant, mais d’un simple « voile mal placé ».
Trois jours plus tard, après une plongée dans le coma, le peuple iranien apprenait le décès suspect de la jeune Kurde de 22 ans. Cette annonce retentissante a mis les foules dans une colère noire. Les femmes iraniennes, éviscérées par cet événement de trop, ont bravé les mollahs pour embraser leur hijab et couper leurs cheveux. Les images ont fait le tour du globe, mettant complètement à nu l’envers de cette politique tyrannique.
Les autorités musclent leur riposte
Téhéran tente d’étouffer ces manifestations rugissantes en usant encore de techniques répressives affûtées. La capitale de l’Iran a annoncé l’arrestation de 1 200 manifestant.e.s sur l’ensemble du territoire. Plus terrible, en dix jours de protestations, l’ONG Iran Human Rights a comptabilisé au moins 76 morts. Les femmes bravant cette obligation du voile sur le pavé ont parfois terminé en martyre.
C’était le cas de Hadis Najafi, cheveux blonds apparents, qui a succombé aux six balles des forces de l’ordre. La jeune femme était bien connue sur les réseaux sociaux. Résolument moderne, elle se prêtait à des danses lascives et portait des habits occidentaux, avec une audace affirmée. Ce deuxième destin volé de sang-froid par l’Iran n’a fait que gonfler le climat de colère mondial.
Faire tomber le voile, un geste symbolique
En Iran, le port du voile n’est pas un choix personnel motivé par la religion, c’est une nécessité imperméable, en place depuis 1979. Depuis la révolution islamique, une loi impose à toutes les femmes de porter le voile dès l’âge de 7 ans cachant la tête, le cou et les cheveux. Malgré son ancienneté, les mollahs y tiennent dur comme fer.
Pour préserver ce signe distinctif qui sert leur domination, ils cherchent à pousser l’asservissement plus loin. Le 20 septembre, les autorités iraniennes évoquaient la possible reconnaissance faciale pour faire payer le prix fort aux femmes qui échapperaient à cette loi.
Mais malgré les menaces, depuis quelques années, les femmes laissent ce tissu, étendard de l’islamisme, au placard. En 2014, par exemple, des Iraniennes lançaient la campagne de protestation « Ma liberté furtive » sur les réseaux sociaux. Au gré de photos et de vidéos, on les voyait crinières lâchées. Mais ce pied de nez au régime impitoyable était resté dans l’ombre de l’Iran.
L’an dernier, les Iraniennes grimpaient sur des fontaines, murets et autres bâtiments en hauteur pour brandir leur voile du bout d’une perche. À l’époque, cette provocation était quasiment passée inaperçue dans le monde. Aujourd’hui, cette chute du voile sonne différemment puisqu’elle renvoie au triste sort de Masha Amini.
Encore des #femmes à Téhéran qui protestent avec courage contre le voile obligatoire. Les femmes sont le moteur du changement en #Iran
De gauche à droite : rue enghelab. Rue Enghelab, rue Ferdoussi, rue Vali-Asr pic.twitter.com/7tbiRpI930— csdhi.org (@CSDHI) January 29, 2018
Le brûler ou l’abandonner, c’est un acte de résistance à part entière. Ce signal féminin, repris collectivement, lance l’alerte générale sur la situation déplorable des femmes dans certains pays du monde.
La liberté des femmes, un sujet qui lève les foules du monde entier
« Femme, vie, liberté”, ces trois mots scandés en choeur au milieu d’un Iran bousculé, ont une connotation toute particulière. Ce slogan phare « antithèse absolue » du régime islamique a aussi résonné de Strasbourg à Berlin en passant par Lisbonne. Les femmes de tous horizons se tiennent debout, ciseaux, pancartes et mèches de cheveux en main sur fond de sororité.
Cette fois, la soupape a explosé sous le poids d’une haine féminine latente. D’ordinaire, tout ce qu’il se passe en Iran reste en Iran. Mais ce décès était la goutte de trop. Le hashtag #mashaamini recense déjà 8 000 posts sur Instagram, preuve donc d’une prise de conscience d’envergure.
À Lisbonne, les Femen brandissaient des pancartes devant l’ambassade d’Iran tandis qu’une veillée « hommage » animait récemment la Californie. Ces marques de soutien sans limites géographiques affirment un peu plus l’urgence de défendre les droits des femmes, encore en danger au 21e siècle. Selon le rapport « Women, Business and the Law 2021 », seuls dix pays dans le monde accordent les mêmes droits juridiques aux femmes qu’aux hommes.
Le changement se conjugue au collectif
Depuis #metoo et son vaste écho, les femmes se serrent les coudes pour faire plus de bruit et bouger les murs. En 1997, Amel Zenoune Zouani a connu le même traitement monstrueux que Masha Amini. En pleine Décennie noire dans une Algérie minée par les diktats islamistes, elle est tuée pour avoir refusé le port du voile. Personne n’avait alors bronché.
Force est de constater que cette ère du « motus et bouche cousue » est révolue. L’Iran a le couteau sous la gorge et la communauté internationale l’attend au tournant. Même les footballeurs iraniens ont réagi en faveur des femmes de leur pays, au risque de se faire évincer du Mondial.
Les révoltes féminines en Iran, réprimées dans le sang et le chaos, lèvent le voile sur un phénomène encore endémique : la tyrannie masculine. Ce combat chargé en courage est universel. Et il commence à faire réagir les hautes sphères. L’Union du peuple de l’Iran islamique a dit « exiger » des autorités qu’elles « préparent les éléments juridiques ouvrant la voie à l’annulation de la loi sur le hijab obligatoire ».