L’acteur des « Pirates des Caraïbes », Johny Depp se retrouve de nouveau à la barre. Cette fois-ci, il poursuit son ex-femme Amber Heard, pour diffamation, depuis le 11 avril 2022. En effet, la productrice et actrice avait écrit, dans une tribune publiée dans le « Washington Post » en 2018, avoir été victime de violences conjugales.
Un procès qui a passionné toute l’Amérique et qui a transformé Amber Heard en victime de harcèlement sur les réseaux sociaux. Point sur une affaire révélatrice du sexisme et de biphobie dont souffrent les femmes.
Johnny Depp-Amber Heard : sur quoi porte le procès ?
Le 11 avril 2022 signait le deuxième acte de la saga Johnny Depp/Amber Heard. Déjà en 2020, comme à l’occasion de leur divorce, l’acteur avait intenté un procès contre le média britannique The Sun, qui avait exposé des détails sordides de leurs altercations passées.
Dans ce deuxième acte judiciaire, Johnny Depp accuse son ex-femme de diffamation, en raison d’un article qu’elle a écrit en 2018 dans lequel elle se décrivait comme « une victime de violences conjugales ». La tribune ne mentionne pas directement le nom de l’acteur, mais les événements passés entre eux ne laissaient que peu de doutes sur l’homme qu’elle mettait en cause.
Ainsi, depuis la mi-avril Johnny Depp et Amber Heard s’accusent mutuellement de violences sexuelles et psychologiques. Et les médias et les réseaux se délectent du procès.
Un procès inégal
Nous ne sommes pas juges et nous ne sommes pas là pour émettre un verdict. Les fans inconditionnel.le.s du célèbre pirate des Carabaïbes ne sont pourtant pas de cet avis. Bien au contraire. Si Amber Heard est effectivement victime de violences sexuelles et psychologiques, Johnny Depp est brossé dans le sens du poil et est vénéré par ses admirateur.ice.s depuis les premiers jours du procès.
Sur Tiktok, Instagram ou encore Twitter un hashtag est né, #JusticeforJohnnyDepp, pour défendre l’acteur. Tandis qu’Amber Heard est quant à elle, attaquée, moquée et discréditée sur la toile, avec notamment le hashtag #wehateamberheard.
En effet, depuis le début du procès, de nombreux mèmes et parodies dénigrant son témoignage fusent sur les réseaux sociaux. Ils la dépeignent tous comme une femme manipulatrice, narcissique et folle, en ayant pourtant qu’un regard extérieur sur cette affaire conjugale.
Si quelques voix s’élèvent pour la défendre, la « fanbase » conséquente de Johnny Depp la tourne en dérision. L’acteur américain bénéficie du soutien massif de ses fans. Ses précédents et nombreux épisodes d’excès d’alcool, de drogue ou de violences passent inaperçus pour ses groupies et certains médias.
Pour Nicole Froio, spécialiste des violences sexuelles post-Me Too à l’université de York au Royaume-Uni, il subsiste en ce sens une masculinité transgressive, qu’elle rattache aux nombreux personnages qu’a interprété l’acteur. Ces personnages sont tellement populaires que le public ne les dissocie pas de l’homme.
« Il existe un certain degré de désirabilité autour des hommes violents que nous n’aimons pas admettre, mais c’est ainsi que nous sommes socialisées. Et les femmes sont plus susceptibles d’éprouver de la sympathie pour les hommes qui se présentent comme des victimes, car on nous apprend que nous devons prendre soin d’eux », explique-t-elle à Madmoiselle
Une campagne de désinformation
Amber Heard part avec un net désavantage. Non seulement à cause des fans de son ex-mari qui la dénigrent. Mais aussi à cause de la désinformation des médias à l’encontre de l’actrice.
En effet, certains médias comme The Daily Tire a volontairement dépensé des milliers de dollars pour promouvoir des articles anti-Amber Heard. En outre, au moins 6000 faux comptes twitter ont été créés pour la dénigrer.
Pour Rose Lamy, créatrice du compte Instagram Préparez-vous pour la bagarre ce mouvement illustre pleinement une « sorte de vengeance ‘haineuse’ d’une catégorie d’hommes qui se sent menacée par les avancées du mouvement #metoo, qui n’osent pas en parler en public auprès de leurs amis, au travail ».
Un constat qui n’est pas faux, puisque ce procès a crée des mouvements masculinistes pour « les droits des hommes », notamment dans les communautés Reddit. Selon, ces hommes les femmes peuvent parfois mentir sur les violences qu’elles subissent. De ce fait, Amber est accusée à plusieurs reprises de « pleurer pour de faux » ou de jouer la comédie à la barre.
Bien qu’il existe des violences faites aux hommes, cette idée entraîne malheureusement, des stéréotypes misogynes et discrédite les victimes.
Un procès mauvais pour les victimes de violences
Selon les associations, la médiatisation de ce procès peut avoir des conséquences sur les victimes de violences. En effet, le sujet est grave, mais est vécu comme un divertissement ce qui peut décourager les victimes.
« Si j’étais une victime essayant de décider si je dois rester dans une situation où quelqu’un me fait du mal et que je vois tout ce qui se passe, je serais probablement moins encline à raconter mon histoire ou à chercher de l’aide. « Vais-je souffrir comme cette Amber a souffert ? Vais-je être ridiculisée comme elle ? ». Les victimes de violence domestique affrontent déjà ce genre de barrières. À nos yeux, ce procès est un obstacle supplémentaire », explique Ruth Glenn présidente de la Coalition nationale contre la violence domestique (NCADV) aux États-Unis
Quelle que soit l’issue de ce procès, cette médiatisation soulève une nouvelle fois de nombreuses choses. D’abord, ô combien le système se retourne, de façon systémique, contre les survivant.e.s et les femmes. Et révèle également la fréquence à laquelle les clichés misogynes, racistes et sexistes sont perpétués. Pour Rose Lamy, Amber Heard a perdu « la bataille de l’opinion, ainsi que toutes les femmes et victimes de violences ».