Que vont devenir les femmes qui défient le port obligatoire du voile en Iran ?

La mort de Masha Amini, en septembre 2022, a provoqué un soulèvement inédit en Iran. Pour défier les autorités et clamer leur colère, les femmes du pays s’affichaient sans voile, les cheveux lâches. Si le tapage médiatique est largement redescendu depuis, ces militantes brandissent encore leur crinière en signe de protestation. Pourtant, elles risquent désormais des sanctions plus radicales. Depuis cette rébellion féministe, le gouvernement en place ne cesse de durcir le ton. Jetées en psychiatrie ou condamnées à des peines d’emprisonnement, les femmes qui se montrent têtes nues sont réprimées dans la terreur. Celles qui espéraient faire bouger toute la face d’un pays se heurtent à une situation encore plus draconienne qu’auparavant. Éclairage sur les sévices infligés à ces femmes en Iran.  

Des lois plus asservissantes à l’encontre des femmes qui se révoltent en Iran

Après un an de contestation féminine et plusieurs coups d’éclat, l’Iran est resté sourd face aux revendications de ses habitantes. Pire encore, au lieu de faire un pas en avant pour relaxer le droit des femmes, le pays va à reculons. Les femmes qui sortent sans voile s’exposent à des peines toujours plus lourdes. Le Parlement iranien, sous l’influence d’un islamisme austère, referme doucement les libertés des femmes qui daignent raccrocher cette étoffe synonyme de contrôle en Iran.

Le 20 septembre dernier, il a voté un projet de loi qui intervient à une date particulièrement symbolique : au premier anniversaire de la mort de Masha Amini. Par crainte de voir le mouvement de protestation se réitérer, la classe politique a préféré « anticiper » avec des mesures plus rigoristes que jamais. Les députés ont convenu, à l’unanimité, l’instauration d’un texte nommé « Soutien à la culture de chasteté et du voile ».

Ce que contiennent ces nouvelles lois

Il prévoit notamment des amendes démesurées pour les femmes et les jeunes filles qui bravent le code vestimentaire obligatoire. Il annonce également des peines d’emprisonnement de 5 à 10 ans en cas de non-port du voile ou de sortie publique avec des vêtements jugés inappropriés. Des sanctions financières sont aussi envisagées pour ceux qui font la « promotion de la nudité » ou qui se moquent du hijab dans les médias et sur les réseaux sociaux. En cas de récidive, les femmes qui ne portent pas le voile en Iran pourraient être fouettées et recevoir une amende de près de 8 000 €.

Des mesures acerbes qui ont rapidement suscité une réaction de l’ONU. Le Haut-Commissaire Volker Türk dénonce une contradiction flagrante avec le droit international et appelle les ministres iraniens à revoir leur copie. Des experts des Nations unies ont même parlé « d’apartheid des sexes« . Dans un pays où le voile est considéré comme un moyen d’oppression plus qu’un insigne religieux, les femmes qui exhibent leur chevelure semblent menacées le pouvoir des hommes. Ce qui pourrait expliquer un tel revirement.

Des caméras intelligentes pour traquer les femmes en Iran

Au plus fort des manifestations, les femmes d’Iran n’hésitaient pas à immoler leur voile et à se couper des mèches de cheveux en hommage à leur sœur de cœur, Masha Amini. Ce geste dissident, que le gouvernement croyait « temporaire », s’est finalement inscrit dans les habitudes. Dans les grandes villes, de nombreuses femmes sortent cheveux au vent, sans l’ombre d’un voile. Ce choix militant est tellement devenu l’affaire de « toutes » que les autorités se sont vite senties « dépassées ». Dans la masse, impossible d’identifier celles qui renoncent à ce tissu « imposé ».

Le pays a donc multiplié ses moyens pour appliquer la « tolérance zéro » à la lettre. Depuis avril dernier, les grandes villes d’Iran se sont équipées de caméras intelligentes capables de mettre un nom sur les visages concernés. Une photo des femmes non voilées est prise sur le vif et envoyée par SMS avec un texte d’avertissement. Ces technologies performantes trônent dans la rue et les centres commerciaux. Elles sont même en mesure de capturer des informations dans les voitures. Les contrevenantes sont susceptibles de se retrouver devant les tribunaux avec de sérieuses conséquences juridiques en toile de fond.

Ces appareils novateurs, qui seraient fournis par l’Allemagne, font régner un sentiment de terreur au sein du pays. Désormais privées de l’anonymat des grandes villes, les femmes qui font tomber le voile en Iran souffrent d’un voyeurisme odieux et voient leur intimité se réduire à petit feu.

Un traitement psychiatrique imposé aux militantes

Les femmes d’Iran dont la tête n’est pas soigneusement couverte écopent aussi d’une cure « psychologique ». Elle rappelle d’ailleurs des pratiques patriarcales extrémistes. Pour dissuader ces femmes de dévêtir leur chevelure, le gouvernement est allé plus loin que la confrontation judiciaire. Il les force également à subir des traitements psychiatriques pour résorber un soi-disant « trouble mental de la personnalité antifamiliale ». Une technique d’intimidation particulièrement brutale qui s’est surtout appliquée aux personnalités « publiques ».

L’actrice Afsaneh Bayegan, la Sophie Marceau de la télévision iranienne, est la première a avoir enduré un tel sort. Une autre actrice iranienne Azadeh Samadi, qui avait troqué son foulard contre un chapeau, a quant à elle, été incitée à suivre des séances de psy. La raison ? « Un trouble de la personnalité antisociale ». Une citoyenne « lambda », elle, s’est vue attribuer des thérapies par le tribunal pour « trouble psychologique contagieux qui entraîne une promiscuité sexuelle ».

Des soins de cette même teneur n’ont pas tardé à pleuvoir en masse dans le pays. Autant de diagnostics clandestins qui frisent la science-fiction. La classe médicale iranienne s’est empressée de dénoncer cette instrumentalisation de la psychiatrie. « Le diagnostic des troubles mentaux relève de la compétence d’un psychiatre, pas d’un juge« , ont fustigé les professionnels de santé.

Ce détournement de la psychiatrie fait écho aux méthodes du XIXe siècle. À cette époque, les femmes étaient envoyées à l’asile pour des motifs aussi irrecevables qu’absurdes. C’était un peu le « débarras » pour museler des femmes dites imposantes ou anticonformistes. Attribuer aux femmes l’étiquette de « folles » était surtout un moyen d’illégitimer leurs propos et de les faire taire. Ce que subissent les femmes en Iran n’est qu’une réminiscence plus « douce » du passé.

Un an après le meurtre de Masha Amini, quel bilan ?

Si le gouvernement a amorcé une petite avancée en supprimant la police des mœurs, c’était essentiellement pour apaiser les heurts. Et calmer la grogne de tout le pays. Une initiative encourageante qui souligne surtout l’hypocrisie de cette République Islamique matrixée par des croyances rétrogrades. Au fil des mois, elle a décuplé les démonstrations de force pour que les femmes sans voile se plient à l’ordre. Mais malgré la pression accrue qui pèse sur leur tête, elles refusent de se retrancher sous ce bout de tissu qui incarne l’emprise des Mollahs.

Les femmes d’Iran, réticentes à cette astreinte vestimentaire, ont toujours cette rage de vaincre nichée sous les cheveux. Des étudiantes vont à l’université sans voile et des employées démocratisent la mèche libre dans leurs entreprises. Des personnalités plus influentes prennent aussi ce mouvement à bras le corps. C’était le cas de la joueuse d’échecs iranienne Sara Khademalsharieh qui s’est montrée tête nue lors d’un tournoi international. Plus fraîchement, c’est Zainab Kazempour, une ingénieure, qui a jeté son foulard sur scène en plein congrès. Un acte fort qui lui a valu 72 coups de fouet à son retour.

Si les femmes sont de plus en plus bridées par la République Islamique d’Iran, elles entendent mener leur révolution à son terme. Qu’importe les représailles et la résonnance sur leur vie personnelle. Tant que le gouvernement fermera les yeux, elles continueront à se battre à revers de cheveux. 

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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