À l’ère de la connexion permanente, nombreuses sont les personnes qui rêvent d’un bouton « pause » sur les réseaux sociaux. Moins de notifications, plus de temps pour soi… la promesse d’une « digital detox » séduit de plus en plus de gens. Est-elle aussi bénéfique qu’on le pense ? Selon une étude britannique publiée dans la revue scientifique PLOS One, faire une pause sur Instagram, TikTok ou Facebook pourrait vous faire autant de bien… que de mal.
Une pause aux effets nuancés
L’étude, menée par des chercheurs du département de psychologie de l’université de Durham, a observé les comportements de 51 étudiants âgés de 18 à 25 ans, tous utilisateurs quotidiens d’au moins un réseau social. Pendant 15 jours, leur utilisation a été scrutée à la loupe, répartie en trois phases :
- 3 jours de navigation normale,
- 6 jours d’abstinence totale,
- puis 4 jours de reprise libre.
Chaque participant a répondu à des questionnaires quotidiens sur son humeur, son niveau d’envie de se connecter, et a passé des tests comportementaux et cognitifs en laboratoire. Résultat ? Pas de « manque » massif détecté, contrairement à ce qui se produit dans les cas classiques d’addiction. Et surtout, pas d’effet clairement bénéfique ou négatif sur le bien-être global. Autrement dit : faire une pause des réseaux n’a pas entraîné de sentiment de manque, mais n’a pas non plus radicalement amélioré l’état émotionnel des participants.
Moins de « likes », moins de bien-être ?
La phase de sevrage a toutefois modifié certaines dimensions de l’humeur. Les participants ont, par exemple, ressenti moins d’ennui. Mais ils ont aussi déclaré une baisse de leur humeur positive – moins de joie, d’enthousiasme, de vivacité. Les chercheurs avancent une explication : sans réseaux sociaux, les sources de gratification sociale comme les likes, les commentaires ou les nouvelles interactions disparaissent, ce qui réduit les émotions agréables habituellement liées à ces plateformes.
À l’inverse, l’absence de réseaux réduit également l’exposition aux effets négatifs : comparaisons sociales, harcèlement, ou sentiment d’exclusion. Une forme de double effet miroir, où les bénéfices et les inconvénients semblent s’annuler.
Pas d’effet de « retrait », mais des compensations
Contrairement à ce que l’on observe dans les addictions comportementales ou aux substances, aucune hausse significative du désir de consulter les réseaux n’a été mesurée. Même après plusieurs jours d’abstinence, les envies sont restées stables. Cela n’a pas empêché une large majorité des participants (85 %) de « replonger » au moins une fois durant la période d’abstinence.
Pour les chercheurs, ces écarts ne sont pas nécessairement des « rechutes », mais plutôt un reflet du rôle central que jouent les réseaux dans la vie quotidienne, notamment pour la communication. Certains ont d’ailleurs développé des comportements compensatoires : pendant leur détox, plusieurs participants ont déclaré passer davantage de temps sur les jeux vidéo ou à faire des achats en ligne, comme pour compenser le vide laissé par l’absence de scrolling.
Et après ? Moins de réseaux… pour un temps
Fait notable : après cette semaine de pause, les participants n’ont pas repris leur utilisation au niveau initial. Au contraire, leur consommation est restée inférieure à la phase de départ, sans véritable « effet rebond ». Pour les chercheurs, cela pourrait indiquer que cette parenthèse a permis d’acquérir de nouvelles stratégies de régulation, au moins à court terme. Cependant, la durée de cette phase de suivi était courte (4 jours seulement), ce qui limite les conclusions sur l’impact à long terme d’une déconnexion.
Plutôt que de trancher pour ou contre la « digital detox », les auteurs de l’étude appellent à reconnaître la complexité du lien entre bien-être et réseaux sociaux. Le sevrage ne provoque pas de syndrome de manque massif, mais n’est pas un remède universel au mal-être numérique. La clé ? Peut-être dans la modération, plutôt que dans l’abstinence stricte. Le rapport aux réseaux, comme celui à l’alimentation ou au sommeil, ne suit pas une règle unique, mais demande de s’adapter à ses propres besoins, habitudes et fragilités.