Réforme des retraites : pourquoi les femmes et les minorités sont plus impactées ?

Depuis qu’Emmanuel Macron a remis le projet brûlant de la réforme des retraites sur la table, la grogne ne cesse d’enfler du côté du peuple. Et ce n’est pas la nouvelle étude d’impact sortie le 23 janvier dernier qui risque de calmer le jeu, au contraire. Ce document, dévoilé par Les Echos, met en lumière les inégalités accablantes de ce grand « chantier » du quinquennat Macron.

Cette réforme des retraites que la Première ministre Élisabeth Borne vante comme un cadeau pour la gent féminine est surtout empoisonnée. Les femmes sortent encore perdantes de ce vaste projet. Elles devront s’user à la tâche plus longtemps que leurs homologues masculins. Cette mesure qui affole les syndicats n’est pas la seule à peser sur le dos des femmes. On fait le point. 

Les femmes travailleront plus que les hommes

« Marre de simuler ma retraite, je veux en jouir », « retraites : nous ne voulons pas passer notre vie à la gagner », « la retraite avant l’arthrite »… Les slogans croisés dans la rue au moment de la grève nationale témoignent d’une colère palpable. Pour cause, l’exécutif souhaite repousser l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64, voire 65 ans d’ici 2031. L’opinion publique crie à l’injustice.

Mais au-delà de son côté asservissant, la réforme des retraites se montre particulièrement sévère avec les femmes. Une réalité dans notre société que soutient une étude d’impact de 110 pages, dévoilée publiquement le 23 janvier dernier en Conseil des ministres. Le compte rendu est assourdissant. Selon le rapport, les femmes devraient travailler sept mois de plus en moyenne, contre cinq mois seulement pour les hommes.

Cependant, en contrepartie, elles toucheraient des pensions en conséquence. D’après le ministre du Travail, du plein-emploi et de l’insertion, Olivier Dussopt, la pension moyenne des femmes sera revue à la hausse pour atteindre 2,2 %, contre 0,9 % chez les hommes. Un parti-pris assez ambitieux puisque l’écart est bel et bien creusé.

Selon les derniers chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), les femmes résidant en France ont touché une retraite moyenne de 1 154 euros brut en 2020 alors que les hommes ont perçu 1 931 euros. Soit une différence glaciale de 40 %. Autre ticket de change : la reconnaissance des congés parentaux dans la limite de quatre trimestres.

Ces « petites révolutions » coiffées dans le sens du féminisme ne sont que des leurres. Si le gouvernement pense « protéger les femmes » avec sa réforme des retraites, il ne donne aucun « passe-droit » aux mères en cas de congé maternité et fait la sourde oreille sur les inégalités salariales endémiques.

Aucune reconnaissance de la pénibilité

Les métiers « pénibles » ne se conjuguent pas seulement au masculin. Même si dans l’imaginaire collectif, la pénibilité fait surtout écho aux ouvriers de chantier, dégoulinants de sueurs derrière leur marteau piqueur, elle concerne aussi les femmes.

« Il y a beaucoup de métiers féminins qui sont extrêmement pénibles. Quand on pense aux aides-soignantes qui doivent soulever les patients, etc. Les troubles musculosquelettiques, par exemple, sont beaucoup plus fréquents chez les femmes », rapporte la chercheuse féministe Christiane Marty, pour TV5 Monde

Cette théorie se confirme dans l’enquête de l’agence pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT). Entre 2001 et 2019, les accidents du travail ont augmenté de 40 % chez les femmes alors qu’ils ont baissé de presque 30 % côté homme. Pourtant, la réforme des retraites snobe largement cette usure à la tâche, surtout chez les femmes. Elle va même jusqu’à supprimer les départs anticipés qui représentent par ailleurs 400 000 femmes de la fonction publique (sages-femmes, infirmières…).

Les critères de pénibilité, eux aussi, ont été remis à une nouvelle sauce, aux arrière-goûts sexistes. Seuls 6 critères prévalent pour la pénibilité au travail, à savoir : les températures extrêmes, le bruit, le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes, le travail répétitif, les activités exercées en milieu hyperbare. En bref, c’est du vent pour les femmes.

Des droits familiaux, pas si favorables pour les femmes

La réforme des retraites s’attaque également à une corde sensible : les droits familiaux. Là encore, le gouvernement ne fait pas dans la dentelle. Il entend neutraliser la Majoration de Durée d’Assurance (MDA) qui permet aux mères de valider 2 ans de cotisations par enfant dans le privé et 1 an dans le public. C’est pourtant leur joker en cas de carrières incomplètes.

En parallèle, une majoration de pension de 5 % par enfant reviendra à l’un.e des deux parents. Libre à eux de les répartir selon leurs envies et leurs intérêts financiers. Cependant, puisque les hommes ont des retraites plus élevées, il sera plus attractif de choisir de majorer les retraites des pères. Ça tombe sous le sens. Selon l’Institut de la protection, cette mesure reviendrait à « une baisse de retraite programmée pour de nombreuses femmes ».

Un système de retraite déjà inégalitaire

La réforme des retraites est la pire des arnaques pour les femmes. C’est un vulgaire caillou dans un écrin à 24 carats. Il faut dire que le système de retraite actuel n’aide pas. Le terrain est miné par le patriarcat et les biais sexistes. Ainsi, les femmes sont payées 22 % de moins que les hommes.

Cette différence s’explique par le phénomène du plancher collant, qui fixe les femmes dans une carrière « linéaire », sans perspective d’évolution. Il y a aussi le plafond de verre et les parois de verre, qui emprisonnent les femmes dans un même poste, avec un salaire bloqué au point mort. Rappelons que les femmes ne représentent que 43 % des emplois-cadres.

Ces disparités qui gangrènent la vie professionnelle des femmes se répercutent directement sur les retraites. Du fait de carrières hachées et peu gratifiantes, 20 % des femmes sont contraintes d’attendre 67 ans pour éviter la décote. Un sursis assourdissant qui incombe encore presque uniquement à ces mesdames.

Cette réforme des retraites, elle, pousse encore les femmes à vivre aux crochets de leur mari pour éviter la précarité. Selon des chiffres de la CFDT, les femmes représentent 76 % des retraités vivant sous le seuil de pauvreté. Les hommes s’apparentent ainsi à des bouées de secours ou des parachutes, au choix. Au lieu de libérer les femmes, ce projet de loi polémique les enferme dans une dépendance conjugale quasi forcée.

Quid de la communauté LGBT+ ?

Une tribune signée par 150 personnalités et organisations LGBT+ a été publiée dans les colonnes du média Têtu. C’est un cri supplémentaire dans cette tempête politique. « Si cette réforme est appliquée, elle sera nuisible pour tou.te.s les futur.e.s retraité.e.s. Elle sera particulièrement néfaste pour les LGBTI, car nous sommes encore plus vulnérables que le reste de la population face à la vieillesse, peut-on lire.

En effet, la réforme des retraites est aussi un piège tendu sur les minorités de genre, plus exposées aux discriminations et aux violences sur leur lieu de travail. Ce projet de loi ne fait qu’exacerber un fléau déjà bien englué dans notre société. Rejet, ambiance pesante, messe-basse voire parfois insultes ou agressions physiques… au boulot, les minorités de genre sont souvent en terre hostile.

Cette haine « généralisée » se traduit aussi dans les chiffres. Selon l’IFOP, 30 % des salarié.e.s LGBT interrogé.e.s ont déjà été victimes d’au moins une agression LGBTphobe dans leur entreprise. L’étude souligne aussi « des inégalités dans le déroulement de leur carrière pour 20 % des personnes LGBT+ ». Cette réforme des retraites fragilise davantage la santé mentale des minorités de genre, alors en proie à un mal-être prolongé. Ce sont deux ans ferme de trop.

« Beaucoup de personnes n’ont pas la possibilité de fonder des familles et cette réforme augmente le risque d’isolement », explique aussi Élisa Koubi co-présidente de l’Inter-LGBT à France Inter

Contrairement à ce que scande l’exécutif, la réforme des retraites ne joue pas en la faveur des femmes et encore moins en celle des minorités. C’est même un sombre retour en arrière. Selon un sondage IPSOS pour BFMTV, 79 % des Français.es sont vent debout contre cette réforme. Le soulèvement national en cours parviendra-t-il à réécrire la copie sous un angle vraiment « juste » ? Affaire à suivre…

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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