Le « repassage des seins » : une mutilation peu connue qui sévit toujours

Peu connue, mais aussi grave que l’excision, dans plusieurs pays d’Afrique centrale et de l’Ouest, une tradition archaïque sévit, le « repassage des seins ». Une pratique douloureuse et dangereuse qui vise à contrôler la vie sexuelle des jeunes femmes et dont les effets sont ravageurs. On en parle.

Qu’est-ce que le « repassage des seins » ?

Moins médiatisé que l’excision (l’ablation partielle ou totale des organes sexuels externes de la femme), le repassage des seins est une pratique archaïque, très répandue au Cameroun. 1 fille sur 4 serait touchée par cette mutilation. Près de 3,8 millions d’adolescentes en seraient concernées dans la province de Douala, au Cameroun.

Ce phénomène culturel ancestral est également présent dans d’autres pays d’Afrique centrale et de l’Ouest, comme le Tchad, le Togo, le Bénin et la Guinée. Il consiste à se servir d’objets chauffés au brasier pour masser les seins des jeunes filles, dès lors que leur poitrine commence à se former, pour les faire disparaître.

Au début, la croyance populaire voulait que le massage des seins rende le lait meilleur et évite aux bébés d’avoir les fesses rouges. Mais, maintenant son « objectif » est de protéger les filles des violences sexuelles et des grossesses non désirées, à tel point que 7 % des filles le font elles-mêmes. « Protéger nos filles du regard des hommes, éviter aux jeunes filles que les hommes ne leur courent après trop tôt et prévenir les grossesses précoces. »

Des femmes détruites

Comme vous vous en doutez bien, cette pratique n’est pas sans conséquence sur la santé physique et mentale des femmes qui la subissent. En effet, d’après une étude menée en 2013 par l’Institut pour la Recherche, le Développement Socio-économique et la Communication (IRESCO), 45,7 % des femmes interrogées et victimes déclarent que leurs seins ont eu une anomalie après le repassage.

3,7 % d’entre elles se sont retrouvées avec des seins blessés. 8 % avec un sein plus grand que l’autre, tandis que 2 % ont subi l’ablation d’un sein. L’étude souligne également d’autres conséquences plus récurrentes dont la diminution de la taille du sein (42,5 %), des douleurs (24 ,5 %), une inflation du volume (21 %), des kystes et abcès (17 %).

« Je continue à suivre trois cas qui présentent les complications les plus graves. Il y a un cas de disparition d’un sein du fait d’un excès de massage. Ensuite la brûlure d’un sein au troisième degré ; un problème en voie de solution grâce à la technique du greffage de la peau. Enfin, il y a un cas de nécrose », raconte Micyline Sinou, gynécologue à l’hôpital général de Yaoundé au média Sci-dev-net

De nombreuses victimes font face à un manque de reconnaissance

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), définit les mutilations comme des « interventions qui altèrent ou lèsent intentionnellement les organes génitaux externes de la femme pour des raisons non médicales ». Pourtant, le repassage des seins ne figure pas dans les 4 types de mutilations recensées : la clitoridectomie, l’excision, l’infibulation et toutes autres interventions néfastes au niveau des organes génitaux féminins à des fins non médicales.

Malgré la mobilisation du Réseau national des associations de tantines (RENATA), qui regroupe plus de 15 000 filles-mères formées comme tantines, pour lutter, dénoncer et sensibiliser sur la gravité du repassage des seins, cette pratique n’est toujours pas qualifiée de mutilation par l’OMS.

En revanche, les interventions du réseau RENATA dans les régions dans lesquelles se pratique encore le repassage des seins a permis de réduire ce phénomène, d’après InfoSud.

« Le recul de cette pratique est une bonne chose. Mais il faut qu’elle cesse définitivement. Il y a des progrès, c’est sûr, mais la diminution des filles victimes du repassage des seins n’est pas que le fait de la sensibilisation. La modernité, l’éducation, la communication parent/enfant, tous ces facteurs ont joué en faveur d’une baisse de la pratique. La scolarisation des filles a un rôle très important dans la levée de ce tabou. Par exemple, on commence à parler de sexualité et d’éducation sexuelle en famille. Par ailleurs, les filles sont plus promptes à dire « non » », explique la co-fondatrice de l’Association de Lutte contre les violences faites aux femmes (ALVF), Elise Pierrette Memong Meno, à TV5 monde

Aujourd’hui, il n’existe encore aucun chiffre sur le phénomène en France. Néanmoins, il est probable que de jeunes filles en soient victimes, tout comme celles qui souffrent d’excision. La lutte n’est pas encore terminée ! C’est pourquoi il faut continuer de parler de ce phénomène et libérer la parole afin, nous l’espérons, mettre fin à ces mutilations.

Shem's Tlemcani
Shem's Tlemcani
Je suis passionnée par les sujets sociétaux et la santé. Mon intérêt pour les questions sociales me pousse à explorer des enjeux tels que la lutte contre la pauvreté, l'éducation et le changement climatique. En matière de santé, je m'investis dans les domaines du bien-être, de la nutrition et de la prévention des maladies. Je m'efforce de rester informée et d'utiliser ma voix pour sensibiliser et encourager le débat et l'action sur ces sujets cruciaux.
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