De nombreux ouvrages redonnent la place des femmes qui devrait leur être donnée dans l’Histoire. Le dernier en date, « Les femmes oubliées » de Zing Tsjeng, qui nous apprend le triste destin de Mary Kenner, inventrice noire, qui aurait pu révolutionner la vie des femmes. Les menstruations étant tabou à l’époque, les protections n’étaient ni confortables ni pratiques : linges, compresses ou bandages. Ce qui aurait pu aider ces femmes dans les années 50 ? La ceinture sanitaire de Kenner. Lumière sur cette inventrice.
Une famille d’inventeur‧trice‧s
Mary est née en 1912 dans la ville de Charlotte en Caroline du Nord. La famille de la jeune noire Américaine compte bon nombre d’inventeur‧trice‧s. Son grand-père maternel, Robert Phromeberger, invente un signal tricolore de guidage pour les trains même si cette idée lui est volée par un homme blanc. Son père, Sidney Nathaniel Davidson, invente un fer à repasser de voyage pouvant tenir dans une valise. Sa soeur, Mildred Davidson Austin Smith, est l’inventrice du jeu de société « Family Treedition ».
Depuis toute petite, Mary Kenner baigne ainsi dans les inventions. À 6 ans, elle tente d’inventer une charnière de porte à auto-huilage. Elle pense ensuite à un toit ouvrant qui recouvrait le siège rabattage de la voiture, une pointe en éponge au bout d’un parapluie pour absorber l’eau et un cendrier portable qui s’attache au paquet de cigarettes. Les idées fleurissent en elle.
Les femmes tenues à l’écart par les hommes
En 1931, Mary Kenner obtient son diplôme du lycée de Dunbar et commence une année à l’université d’Oward, mais ne pourra pas continuer, car elle n’en a pas les moyens. Elle n’a donc reçu aucun diplôme universitaire ou formation professionnelle. D’autant que les femmes à l’époque sont tenues à l’écart des établissements scientifiques.
Kenner devient finalement employée fédérale pour le gouvernement où elle chaperonne les femmes lors de danses sur la base militaire. En 1950, elle devient organisatrice florale professionnelle et crée quatre magasins dans la région de Washington DC. Elle dirige l’entreprise pendant 23 ans tout en inventant des choses pendant son temps libre.
La genèse d’une invention révolutionnaire
À 45 ans, en 1957, elle réussit enfin à réunir la somme nécessaire pour déposer le brevet d’une ceinture pour serviette hygiénique jetable, bien qu’elle ait déjà essayé en 1920. La ceinture permet d’empêcher les fuites de sang menstruel sur les vêtements des femmes grâce à une poche à serviette intégrée et à l’épreuve de l’humidité. Cela permet également d’éviter les frottements et irritations causés par les anciens moyens de protections.
La société Sonn-Nap-Pack la contacte pour commercialiser son invention. Mais lorsqu’un représentant se rend chez elle, il réalise que Mary Kenner est une femme noire et il l’informe que l’entreprise ne donne pas suite à la vente.
Mary Kenner n’a ainsi jamais gagné d’argent avec la ceinture sanitaire, car son brevet a expiré et est devenu domaine public, lui permettant d’être fabriqué librement. Les femmes doivent donc continuer de se contenter d’un torchon ou un bout de tissu puisque même si l’apparition du tampon permet plus de confort, il est réservé aux femmes mariées pensant qu’il pouvait faire perdre sa virginité.
La femme noire aux records d’inventions brevetées
Kenner n’a pas reçu de prix ou de reconnaissance officielle pour son travail. Toutefois, ses inventions et ses contributions ont contribué à ouvrir la voie à des innovations ultérieures. Kenner détient toujours le record (cinq) du plus grand nombre de brevets accordés à une femme noire par le gouvernement américain.
En 1976, Mary a breveté une fixation pour un déambulateur et un fauteuil roulant avec un plateau à surface dure et une pochette souple. Sa soeur et elle ont inventé un porte-papier de toilette en 1982. Son dernier brevet, en 1987, concernait une rondelle dorsale montée sur le mur d’une douche.
Voici comment la vie de femmes aurait pu être changée, si ce brillant cerveau avait été entendu et reconnu au lieu d’être confronté au racisme et à la misogynie d’une société patriarcale.