Dans la rue, rares sont les personnes qui lèvent encore la tête au ciel et déambulent sans portable greffé à la main. Que ce soit pour attendre le prochain bus, faire la queue à la boulangerie ou emprunter les passages cloutés, le téléphone reste scotché à la paume. Pour sortir le nez des pixels et éviter les collisions humaines, une commune de Seine-et-Marne a pris une décision radicale. Elle a récemment interdit l’usage du smartphone dans l’espace public. Cette mesure, qui cloue les téléphones à la poche, divise les avis. Pourtant, elle part d’une bonne attention et pourrait inspirer d’autres villes françaises.
Une commune de Seine-et-Marne à l’origine de l’idée
Bientôt Seine-Port, petite bourgade qui compte un peu plus de 1800 âmes, pourrait voir s’ériger des panneaux de signalisation avec un téléphone barré. Cette ville de Seine-et-Marne est la première en France à avoir adopté une mesure drastique sur l’usage du smartphone dans l’espace public. Ce qui est devenu l’extension du bras humain est désormais banni du paysage de cette commune située non loin de Melun. Le smartphone, qui a tendance à faire velcro avec les doigts, est prié de rester au chaud et à l’abri des regards lors des sorties en plein air.
Cette décision inédite n’est pas sortie de nulle part. Elle fait suite à un vote par référendum qui s’est tenu le samedi 3 février 2024 à la demande de la mairie. Les habitant.e.s de la commune se sont donc rendu.e.s derrière les urnes pour exprimer leur avis. Même si cette délibération citoyenne n’a pas attiré foule, les résultats étaient assez serrés. Verdict ? 54 % des suffrages se sont prononcés en faveur de l’interdiction du smartphone dans l’espace public. Scruter son cellulaire dans les commerces, devant les écoles, dans les parcs ou encore en marchant sur les trottoirs n’est donc plus autorisé.
Un coup dur pour les personnes qui ne quittent jamais leur doudou numérique des yeux. Cependant, cette mesure qui semble émaner d’un épisode de « Black Mirror », n’a pas été pensée comme une punition, mais comme un acte de prévention. Ce n’est pas un scoop, le portable zombifie la population. Il suffit de regarder autour de soi pour s’en rendre compte. Plus qu’une parade contre l’ennui, le téléphone commence doucement à prendre racine dans les corps. C’est pourquoi la commune de Seine-Port a choisi de balayer le smartphone de l’espace public.
Objectif : limiter la surexposition aux écrans
Qu’est-ce que vous risquez si vous vous faites prendre la main dans le sac ? En réalité pas grand-chose, simplement un rappel à l’ordre gentillet. Le but n’est pas de « sanctionner » durement l’usage du smartphone dans l’espace public ou de créer un climat « anxiogène ». C’est plutôt une campagne de sensibilisation « détournée » pour appeler la population à consommer les écrans de façon plus raisonnable. Le maire Vincent Paul-Petit ambitionne également de ressouder les liens entre les habitant.e.s et de résorber cette fracture sociale causée, en partie, par le téléphone.
À travers cette mesure, plus symbolique que véritablement « effective », il s’adresse essentiellement aux jeunes générations. Entre 13 et 18 ans, les ados frôlent les 6 h 45 de temps d’écran par jour. D’où l’urgence de les éduquer à des comportements virtuels plus sains et de les inciter à troquer la lumière bleue contre la lumière du jour. Cette charte a d’ailleurs été composée en collaboration avec des enseignant.e.s, des professionnel.le.s de santé et des élu.e.s. Elle a été posée sur la table dans l’espoir de réguler l’usage du smartphone dans l’espace public.
475 piétons décédé.e.s à cause de leur téléphone
Certaines personnes sont hypnotisées par leur téléphone. Tant et si bien qu’elles en oublient les obstacles qui leur font face. Elles foncent dans le tas, la nuque baissée et le téléphone tendu. Dans le meilleur des scénarios, elles percutent un poteau ou se heurtent à une autre silhouette en mouvement. Elles en sortent alors avec quelques petits bobos ou des blessures superficielles. Mais parfois, les conséquences sont plus tragiques.
En France, 475 piétons ont trouvé la mort en 2018 et le téléphone était le principal coupable. Cet objet technologique peut se transformer en arme de crime, malgré lui. D’après une enquête menée par Ford en 2019, 65 % des piétons épient leur smartphone dans l’espace public. Que ce soit sur le bas-côté ou sur les passages cloutés. Cette attitude, devenue tristement banale, porte un nom. Il s’agit de la smombie, contraction du mot « smartphone » et « zombie », qui illustre plutôt bien cette dépendance accrue au téléphone. D’ailleurs, les selfies ont aussi coûté la vie à environ 379 personnes dans le monde depuis 2008.
Bannir le smartphone de l’espace public est un choix audacieux, mais pas insensé au vu du nombre d’accidents recensés chaque année. Toutefois, paradoxalement, le portable donne l’impression d’une « sécurité », notamment aux femmes, victimes de harcèlement de rue.