Ces dernières années, les réseaux sociaux ont réussi à nous faire la preuve qu’ils pouvaient être les porteurs de déconstruction et de belles valeurs féministes. Hélas, il arrive que certaines tendances s’exhibent à notre plus grand dam. C’est le cas du hashtag #StayAtHomeGFs sur TikTok. Voici pourquoi cette tendance sexiste pose problème.
#StayAtHomeGFs, qu’est-ce donc ?
Aussi appelée « La petite amie au foyer », cette tendance a été lancée sur TikTok par Kendal Kay, une influenceuse américaine de 24 ans. Dans sa vidéo, aux 8,4 millions de vues, elle montre son quotidien de petite amie au foyer. Le mouvement #StayAtHomeGFs consiste ainsi en des vidéos de jeunes femmes filmant leur journée, en attendant le retour de leur copain.
Leurs routines sont sensiblement les mêmes. Elles se lèvent, font du café, boivent une boisson détox, font du ménage, tiennent leur journal, vont au sport et font à nouveau le ménage. En somme, leur journée dans la société se résume à prendre soin de leur apparence, effectuer des courses et des tâches ménagères pour satisfaire leurs copains une fois qu’ils rentrent du travail. Jusqu’alors, toutes les vidéos qui fonctionnent montrent des femmes en couple hétérosexuel.
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Pourquoi est-ce que cela pose problème ?
1 – Une régression dans le statut des femmes
À l’heure des mobilisations féministes, aussi virtuelles que réelles, le #StayAtHomeGFs sur TikTok apparaît comme hasbeen. Pendant que les féministes à travers le monde dénoncent la prégnance de dogmes patriarcaux dans la société et tâchent d’avancer vers une égalité totale des femmes et des hommes, ce mouvement vante les mérites d’un système absolument contraire. C’est-à-dire que ces jeunes filles, en émettant un parallèle entre elles et les « housewives » traditionnelles, se rapportent principalement à leurs aptitudes domestiques.
Cela questionne à nouveau la place qu’occupe la femme dans la société, d’autant plus que nombreuses sont celles qui dénoncent la charge mentale qui leur incombe. Le #StayAtHomeGFs relègue les femmes à l’espace domestique, oubliant totalement la répartition des tâches ménagères. Pire encore, la tendance embellit cela. Dans de jolis montages avec une douce musique en fond, nous assistons à la romantisation d’un imaginaire sexiste.
Notons également qu’il s’agit d’un exemple bancal auprès d’utilisateur.rice.s très jeunes. D’une part, les jeunes filles qui participent à la tendance sont jeunes, elles ont dans la vingtaine. D’autre part, le public de TikTok appartient à la génération Z, parfois encore influençable.
2 – Un sexisme doublé d’une injonction à être « la femme parfaite »
Dans son article au sujet du #StayAtHomeGFs, le journal ABC souligne un point très intéressant. En réalité, ces femmes ne se contentent pas de rester à la maison. Elles se rendent aussi à la salle de sport ou dans des salons de beauté. Le #StayAtHomeGFs de TikTok rappelle donc également l’obligation pour elle d’entretenir une belle apparence physique.
Il est indéniable que le sport peut être une source d’émancipation pour les femmes. Mais, il semble ici que sa pratique soit conditionnée par des dogmes inscrits dans une société encore très patriarcale. De fait, la StayAtHome Girlfriend est belle et surtout mince et ne doit pas y transiger. Ces vidéos ont donc un bel air de « Sois belle et tais-toi », en plus du « Reste à la maison »…
3 – L’isolement des femmes
Néanmoins, nous tenons à rappeler que chacun.e est libre de faire ce qui lui plaît. D’ailleurs, le féminisme veut aussi respecter les choix de ces femmes, qui sont libres d’agir selon leurs désirs et de vivre à leur guise. En revanche, la limite de cela se place dans la dimension consentie de ce mode de vie.
À nouveau, c’est le média ABC qui souligne ce point en rappelant que les jeunes femmes concernées peuvent être dans une situation de vulnérabilité. Leur mode de vie peut facilement les mener à la dépendance financière doublée d’un isolement social assez alarmant.
C’est notamment ce qui ressort en commentaire de ces vidéos. Beaucoup se demandent s’il s’agit d’une blague ou si cela est bien réel. Puis, il est largement répété que les StayAtHome Girlfriends semblent être dans le second rôle de leur propre vie. Enfin, de nombreuses utilisatrices prennent la parole pour témoigner. Elles ont elles-mêmes été des petites amies au foyer et déclarent ne s’être jamais senties aussi isolées et malheureuses. La preuve est largement faite que la tendance TikTok #StayAtHomeGFs enjolive une réalité qui peut être désastreuse pour certain.e.s.
4 – Un mode de vie hors-sol
Certaines personnes reprochent aussi aux #StayAtHomeGFs de vendre une réalité inaccessible. Il n’est pas rare de voir une vidéo titrée « #StayAtHomeGF, version multimillionnaire ». Et même sans cela, les vidéos mettent en scène des créatrices de contenus dans un cadre de vie fort luxueux. Leur réalité est donc très éloignée de celles de leurs – jeunes – abonné.e.s.
La naissance d’un contre mouvement
Comme souvent sur les réseaux sociaux, il faut peu de temps pour que les voix se lèvent et que les parodies arrivent. D’un côté, un mouvement de vidéos réactions est né pour dénoncer le sexisme de ces posts. D’un autre, vous pouvez retrouver de nombreuses vidéos parodiques du #StayAtHomeGFs sur TikTok.
Par exemple, @geemcgwee fait preuve d’humour noir pour insinuer que les StayAtHome Girlfirends sont dans des relations malsaines. Dans sa vidéo, elle est enfermée à double tour chez elle par son copain. Elle explique qu’il lui laisse chaque matin une petite pilule à prendre sans demander pourquoi. Enfin, elle raconte qu’elle perd la notion du temps à regarder par la fenêtre toute la journée.
@geemcgwee A morning in my life as a stay at home girlfriend #morninginmylife #stayathomegirlfriend #stayathomewife #stayathomegf #sketchcomedy
Ainsi, la tendance #StayAtHomeGFs prône une image démodée et sexiste des femmes. Elle s’oppose en tout point au mouvement de girlboss où les femmes prennent leur indépendance et tournent le dos aux conventions patriarcales qui régissent la société. Ces créatrices de contenus, en voulant vendre une image dorée de leur vie, questionnent surtout le rapport sociétal à l’égalité entre tou.te.s.