80 % des femmes ont déjà été victimes de harcèlement de rue au moins une fois dans leur vie. Chaque sortie, même de courte durée, vire à la paranoïa. La moindre allée lugubre ou la simple impasse s’apparentent à des guets-apens. Et en pleine période d’inflation, certaines communes plongent leur rue dans l’obscurité dès 23h. Un stress supplémentaire pour les femmes. La formation Stand Up nous partage la méthode des 5D, une contre-attaque accessible pour s’extirper du harcèlement de rue.
Le harcèlement de rue, la bête noire des espaces publics
Marcher dans la rue, la peur greffée au ventre et les sens en alerte maximale. Dès que les femmes pénètrent dans l’arène urbaine, ces sensations d’insécurité sont à vif. Entre les « et mademoiselle, t’as pas un 06 » qui se concluent sur un « sale chienne », les stalkers terrifiants qui s’embarquent dans un jeu de piste grandeur nature ou encore les attaques sexistes conjuguées au collectif… la rue est un piège à ciel ouvert.
Combien de fois les femmes ont-elles troqué un décolleté contre un sweat par crainte d’attirer les regards ? Combien de fois ont-elles dégainé leur téléphone pour simuler un appel « au cas où » ? Ces comportements qui relèvent de l’instinct de survie sont presque devenus ordinaires. Tête baissée, écouteurs vissés sur les oreilles et « advienne que pourra ». Le harcèlement de rue est une plaie nichée dans chaque coin du globe.
Selon une enquête menée par L’Oréal et IPSOS dans 14 pays différents, 75 % des répondantes évitent certains espaces publics pour contourner le harcèlement sexuel. Plus alarmant, toutes les participantes de l’enquête ont affirmé être régulièrement exposées au harcèlement de rue (80 % au Royaume-Unis, 94 % en Afrique du Sud ou encore 84 % au Canada).
Crise de l’énergie : l’extinction des éclairages publics, un stress en plus
Depuis 2020, le gouvernement français a déployé le plan « Angela », un réseau de lieux refuges permettant aux femmes d’échapper aux dangers de la rue. Bars, restaurants, boutiques de vêtements… chaque enseigne peut prétendre à ce sticker qui sauve.
Une initiative salvatrice, mais encore marginale, surtout à l’heure où les éclairages publics capitulent dès 23h. Cette extinction prématurée, appliquée depuis le début de la crise énergétique, est une très mauvaise nouvelle pour les femmes qui voient dans l’obscurité un risque plus accru de violences.
D’ailleurs, les témoins ont aussi un rôle à jouer. Pourtant, encore aujourd’hui, les cas de harcèlement de rue n’attirent que des regards incompréhensifs. Seuls 20 % des témoins osent s’interposer. Nul besoin de revêtir sa cap héroïque, seulement d’appliquer la méthode des 5D, une contre-attaque stratégique, soft et efficace.
La méthode des 5D, en quoi ça consiste ?
La méthode des 5D est l’emblème du programme Stand Up, un projet initié par le trio Hollaback!, la Fondation des Femmes et L’Oréal Paris. Disponible en ligne et gratuitement, cette formation communique des informations précieuses pour répondre au harcèlement de rue avec tact.
Des marques engagées comme Sans Complexe Lingerie s’affilie à l’initiative pour ouvrir les mentalités et mettre un stop à l’impunité des harceleurs. La méthode des 5D fait partie de ces outils à garder bien au chaud si vous assistez à une scène de harcèlement de rue. En pratique, ça donne ça :
1 – Dialoguer
Prenez d’abord la température en allant vers la victime, demandez-lui si elle va bien, si elle a besoin de quelque chose. C’est un premier contact qui permet d’apporter un soutien important et qui vise à rassurer la victime.
Dans la plupart des cas, les victimes éprouvent un sentiment de culpabilité, elles se sentent fautives. Rappelez-lui que le harcèlement de rue est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 750 €.
2 – Déléguer
Repérez autour de vous, les figures d’autorité (conducteur.ice de bus, vendeur.se, agent.e de sécurité…), résumez la situation et demandez-leur de l’aide. Faites en sorte d’attirer l’attention générale, surtout s’il s’agit d’une rue peu animée. Si la victime vous l’autorise, contactez la police.
3 – Distraire
À vous de jouer votre meilleur rôle de comédien.ne. Faites en sorte de devenir un élément perturbateur pour le harceleur. Allez à la rencontre de la victime, checkez-là ou dites-lui un « oh ça fait longtemps » pour donner l’illusion de la connaître.
De façon plus subtile, demandez-lui l’heure, le chemin ou carrément de vous accompagner à la station de métro la plus proche. Toutes les ruses sont bonnes pour déstabiliser l’adversaire.
4 – Documenter
La caméra de votre téléphone est une arme redoutable pour défendre la victime, notamment si elle envisage de porter plainte. En revanche, certaines précautions sont à noter.
Filmez la scène de façon discrète, en vous assurant de garder de bonnes distances. Pas question de s’improviser paparazzi, le but est simplement de récolter des preuves. Ces vidéos et/ou photos ne doivent pas circuler sans l’accord de la victime.
5 – Diriger
Ce dernier ingrédient de la méthode des 5D est certainement celui qui demande le plus de maîtrise et de prudence. Si malgré toutes vos tentatives, le harceleur fait de la résistance, vous pouvez directement vous adresser à lui et lui demander d’arrêter. Une étape délicate à appliquer seulement si vous sentez qu’il n y a aucun risque. Le but n’étant pas d’aggraver la situation, mais de la résoudre.
Pour mettre en pratique la méthode des 5D dans des conditions presque réelles, rendez-vous sur la plateforme Stand Up. Ces tips, simples, mais imparables peuvent faire la différence.
Comment repérer le harcèlement de rue ?
Il y a un énorme fossé entre la drague douce et le harcèlement de rue. Pour poser une définition claire sur le harcèlement de rue, le collectif féministe « Paye ta Shneck » a d’ailleurs concocté un tableau de référence avec les comportements qui dépassent largement les limites du correct.
Les « fais pas ta timide, donne-moi ton numéro”, « t’as des lèvres que j’aimerais bien embrasser”, « je me demande ce qui se cache sous ta mini-jupe” ou encore « si tu veux pas aller boire un verre, je te frappe” sonnent comme des bombes menaçantes. Ces phrases grossières au possible sont surtout à des années-lumière du romantisme. Dès qu’un homme se montre insistant et qu’il passe le cap du contact physique, il y a harcèlement.
Selon le Code pénal le harcèlement de rue c’est « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensant ».
La méthode des 5D est un réflexe abordable qui permet de freiner à petite échelle le harcèlement de rue, un fléau gravé dans le bitume. Rappelons qu’au 31 décembre 2021, 4 700 infractions d’outrages sexistes ont été enregistrées. Un triste record qui encourage la ruée vers les applis de lutte contre le harcèlement de rue.