Parler ouvertement de sexe reste encore tabou en 2O23. En revanche, trouver des références érotiques là où il n’y en a pas, ça la société sait faire. Elle interprète des gestes totalement ordinaires avec un regard pervers et malsain. Allaiter dans la rue est ainsi perçu comme un acte « déplacé » tandis que jeter un œil sur un décolleté est « toléré ». Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Sucette, banane, uniforme scolaire… chaque petit détail du quotidien, en apparence inoffensif, semble renvoyer des messages à caractère sexuel.
C’est un fait : la société a l’esprit tordu. La preuve avec ces 8 choses normales sexualisées qui relèvent parfois du délire total. Ces mirages sexuels, aussi loufoques soient-ils, coûtent cher à la liberté (surtout celle des femmes).
1 – Porter un legging
Avec son effet « seconde peau », le legging est devenu l’allié des journées chill. Il ne se porte plus seulement à la salle de sport entre deux barres de fonte, il est sollicité pour aller chercher la baguette à la boulangerie ou faire les courses en fin de journée. En bref, c’est un vêtement de secours dont il serait difficile de se passer. Sauf que voilà, le legging laisse transparaître avec une certaine exactitude, les courbes des jambes. Il n’en faut pas plus pour l’accuser d’indécence.
Cette pièce flexible et confortable qui comble nos mouvements s’entiche tristement de l’étiquette « sexy », alors qu’il s’agit tout bonnement d’une montagne d’élasthane. Pas de quoi en faire un item de la « bombe sensuelle » donc. Pourtant, le legging s’inscrit tristement dans la liste des choses normales sexualisées.
Dès que le corps se devine, la société s’emballe. Il peut s’agir d’un vieux legging délavé qui ne tient même plus sur les hanches, la société y trouvera toujours un signe sexuel. D’ailleurs, en 2017, United Airlines a interdit l’embarquement à deux jeunes femmes, fustigeant l’impudeur de leurs leggings. La prochaine fois, montez dans l’avion en culotte, ça passera peut-être mieux…
2 – Croiser les jambes
Croiser les jambes est un réflexe machinal qui nous échappe souvent. Au bureau, dans les transports, au restaurant… cette posture qui camoufle parfois tout simplement une envie pressante fait partie de ces automatismes, au même titre que la main dans les cheveux. Mais exécuté par les femmes, ce geste si commun prend une tournure « aguicheuse ». La faute à la pop culture qui hisse les jambes croisées en symbole de séduction. Tout le monde se souvient de cette scène mythique de Basic Instinct où Sharon Stone croise les jambes sans porter culotte.
Dès qu’une femme daigne faire cette action, la société déduit ainsi qu’il s’agit d’une drague muette. En jupe ou en robe, c’est encore plus suggestif. Selon la pensée collective, ça revient à dire « c’est open-bar ». Les regards indiscrets vont tout de suite tenter de glaner une couleur de sous-vêtements ou un petit bout de chair. Pour faire court, la société estime que croiser les jambes est l’acte glamour suprême. C’est une pose lascive tout comme les mains sur les hanches et le dos cambré. Par contre, les hommes qui font du manspreading et qui prennent trois places dans le métro, eux, sont graciés. Pourtant, écarter ses jambes de manière aussi exubérante paraît bien plus grossier.
3 – S’attacher les cheveux
Il n’y a rien de pire que les cheveux qui font rideau devant les yeux. Que ce soit par esthétisme ou pour l’aspect pratique, il n’est donc pas rare de dégainer un chouchou et de surélever sa crinière. Concrètement, pas de quoi en faire un drame. C’est juste une « coiffure » fonctionnelle. Pourtant, la queue de cheval est, elle aussi, une de ces choses normales sexualisées.
Dans les collèges japonais, elle a même été interdite sous prétexte qu’elle était « trop excitante » et qu’elle risquait de « déstabiliser les garçons ». Non, ce n’est pas un canular ou un poisson d’avril raté. D’après cette règle nipponne, en exhibant leur nuque de la sorte, les étudiantes pourraient « exciter sexuellement » leurs camarades masculins.
Si la queue de cheval porte l’écusson « coquin », c’est en partie à cause des films pornos, qui en ont fait leur « dada » (sans mauvais jeu de mots). Généralement, au moment des fellations, les actrices X remontent leurs cheveux de manière lascive jusqu’à former une couette. C’est un véritable strip-tease capillaire. Résultat : la société coiffe la queue de cheval dans le sens de l’intimité. Peu importe si elle ressemble à un nid d’oiseau ou un tas de paille, elle aura toujours cet effet « sulfureux ».
4 – Allaiter son enfant
Nourrir son enfant par le sein pour répondre à ses besoins « primaires » est un geste naturel. Pourtant, ce bout de téton duquel jaillit le repas de bébé sonne encore comme une atteinte à la pudeur. À contrario, un homme qui urine dans l’espace public, lui, aura des circonstances atténuantes. Les pénis sauvages ne dérangent pas, mais les tétons, eux, sont tout de suite jugés obscènes, et ce même s’ils se dévoilent dans la discrétion la plus totale.
Allaiter son enfant s’intègre ainsi dans ces choses normales sexualisées par la société. Cet acte maternel est régulièrement détourné de sa fonction « nourricière » pour verser dans l’érotisme. La société fait tellement l’amalgame entre le téton « érogène » et le téton « maternel » que, selon elle, l’allaitement frôle presque l’exhibitionnisme. Pourtant, le sein reste un « biberon » à portée de main, pas un fantasme à ciel ouvert.
5 – Manger des bananes, une glace ou une sucette
Combien d’entre nous avons déjà coupé une banane avant de la manger pour éviter les regards pervers ? Qui n’a jamais croqué sa sucette (au risque d’y laisser une dent) par peur que la succion soit mal interprétée ? Ces situations, vécues au collectif, prouvent que même la nourriture est contaminée par l’hypersexualisation.
Avec leur forme phallique, les bananes et les glaces font allusion au sexe masculin. Les sucettes, elles, donnent lieu à des coups de langue soi-disant « subliminaux ». Ces aliments, parfois enfantins et innocents, semblent condamnés à rester sous la ceinture, blagues grivoises à l’appui.
6 – Les uniformes d’école
Le style de l’écolière à base de jupes plissées, de chaussettes hautes et de cravate écossaise n’a plus seulement sa place dans les cours de récré. Cet accoutrement formel est également suspendu dans les sexshops, comme un objet de provocation. Sous son côté purement académique, ce look attise tous les fantasmes. Encore un dommage collatéral des films X qui s’accaparent les codes vestimentaires des « étudiantes » pour « doper » les scénarios. Les uniformes d’école font partie de ces choses normales sexualisées qui peuvent rapidement virer au danger.
En travestissant cette tenue scolaire en un vulgaire costume sexy, les films pornos brouillent les frontières entre fiction et réalité, ce qui conduit à de graves dérives. Et ce ne sont pas les seuls. Dans son clip « Baby One More Time », Britney Spears exploite aussi l’image sérieuse et sage renvoyée par l’uniforme sous un angle plus « fiévreux ». Mais cette manie à sexualiser le moindre bout de tissu n’est pas sans conséquences. En 2022, des lycéennes britanniques ont d’ailleurs lancé une pétition pour dénoncer cette pratique qui participe à la sexualisation des jeunes filles et de leur uniforme.
7 – Se mettre à genou ou se pencher
Se pencher pour ramasser ses clés, se mettre à genoux pour attraper le dernier paquet de Haribo qui traîne au fond du rayon… voilà des situations bien ordinaires. Mais c’était sans compter sur les pensées salaces de la société. Ces mouvements, plus ou moins furtifs, transportent avec eux une forte connotation sexuelle.
Pourquoi ? Parce que selon des principes complètement lunaires, ils trahiraient une forme de soumission. Dans l’imaginaire, ces deux postures renvoient à la levrette, position sexuelle où les fesses sont relevées et le dos creusé. En bref, il faudrait rester rigide comme un bâton pour ne pas titiller l’appétit sexuel de ces messieurs. Quoi que, Barbie est articulée, mais ça ne l’empêche pas d’être « fétichisée ».
8 – Les femmes à lunettes
Les lunettes servent avant tout à avoir une vision plus nette. Même si elles se sont peu à peu converties en emblème de mode, elles gardent une consonance médicale. Pourtant cet accessoire, à la fois fantaisie et utile, est également abonné à ces choses normales sexualisées.
Mais attention, le fantasme fonctionne seulement sur le nez des femmes. Si l’on en croit la société, le côté intellectuel des lunettes serait en effet aussi efficace qu’un aphrodisiaque. Dans les faits, il y a plus de chance qu’elles finissent écrasées par le torse d’un.e partenaire ou remplies de buée.
Ces choses normales sexualisées par la société sont aussi absurdes que restrictives. Mais c’est aussi un miroir effrayant de notre monde actuel : ces hallucinations sexuelles ne sont autres que le fruit des stéréotypes de genre.