Si grâce au mouvement #Metoo les femmes victimes de violences et d’agressions sexuelles dénoncent, avec un peu plus de facilité, ces actes ignobles. Elles ne sont pourtant que peu nombreuses à porter plainte contre leurs agresseurs. En effet, selon une enquête dite de « victimation », Cadre de vie et sécurité, publiée par l’Insee en novembre 2020, entre 2011 et 2018, seuls 18 % ont porté plainte contre leurs agresseurs.
Mais pourquoi les victimes sont contraintes de se murer dans le silence ? Pourquoi ne portent-elles pas plainte ? Éclairage sur les raisons de ce silence.
20 % des femmes ne portent pas plainte par honte
En novembre 2017, une consultation citoyenne autour des violences et agressions sexuelles, auprès de 5.500 femmes, avait dévoilé les nombreuses raisons pour lesquelles elles ne portaient pas plainte et gardaient le silence.
Pour 20 % des victimes, la honte est le principal frein. Elles déclarent avoir honte de s’être faite avoir, d’être incomprises et de ressentir de l’impuissance. S’en suivent, les pressions, les intimidations et la peur (9 %). Viennent ensuite, pour 8 % des victimes, la peur des représailles et de la vengeance de l’agresseur.
Ainsi que la peur de s’engager dans un combat vain. Parmi les autres raisons, elles citent également la peur de « passer pour une fille facile », la pression sociale et professionnelle et les conditions de réception des plaintes.
#DoublePeine : les victimes mal accueillies
Si les conditions de réception des plaintes est l’un des freins des victimes, c’est bien parce que certaines ont subi les propos déplacés des policier.ère.s lors de leur dépôt. En plus de souffrir des séquelles physiques et mentales des violences qu’elles ont subies, les victimes se retrouvent face à un mur dans les commissariats. Nombre d’entre elles ont témoigné de la mauvaise prise en charge de leur demande.
En septembre 2021, sur la toile apparaissait le hashtag #DoublePeine, initié par la militante féministe Anna Toumazoff, qui dénonçait le comportement choquant des agent.e.s du commissariat Central de Montpellier. Durant le traitement des plaintes, les agent.e.s demandent notamment aux victimes de viol si elles ont joui et leur reprochent même d’avoir trop bu ou de porter des « tenues inadéquates ».
Au Commissariat Central de @montpellier_, on demande aux victimes de viol si elles ont joui.
— Anna Toumazoff (@AnnaToumazoff) September 28, 2021
Ainsi, au travers de ce hashtag les victimes dénoncent les conditions déplorables et sexistes dans lesquelles elles sont accueillies. Cela dissuade malheureusement d’autres femmes à porter plainte.
#OnNePortePasPlaintePourLargent : les femmes victimes de stéréotype
Après s’être faite accuser d’avoir détruit leurs carrières, maintenant les hommes reprochent aux femmes d’être vénales. Si elles portent plainte, c’est parce qu’elles veulent seulement obtenir l’argent de leur agresseur. Un stéréotype qui a été rapidement dénoncé et déconstruit sur les réseaux sociaux.
Le hashtag #OnNePortePasPlaintePourLargent est devenu rapidement viral sur la toile. Il montre la réalité à laquelle font face les victimes lors des procédures. En effet, intenter un procès nécessite de l’argent, notamment pour les frais d’honoraires de l’avocat.e. Cependant, au-delà de la procédure judiciaire, il y a le coût du traumatisme. Suite aux violences, ces personnes sont souvent traumatisées et ont un besoin vital d’être suivies par des psychologues et des professionnel.le.s, sur le long terme. Et cela a aussi un coût.
J'ai porté plainte 6 fois depuis 2018 pour violences sexistes et sexuelles.
J'ai pour l'instant obtenu 0€ de la justice ou de mes agresseurs.
Mais j'ai perdu mon emploi, dépensé des milliers d'euros en frais psy, et je suis désormais au RSA. #OnNePortePasPlaintePourLargent
— Marie Albert (@mariealbertfr) May 13, 2022
Si aujourd’hui, selon une étude d’Ipsos publiée en 2021, la majeure partie des Français.es sait ce qu’est un viol, les stéréotypes, quant à eux, persistent au sein de la société. 51 % des personnes interrogées estiment que les hommes ont plus de difficulté à maîtriser leur désir, que les femmes. 36 % pensent qu’une « attitude provocante de la part d‘une femme en public déresponsabilise le violeur ».
Cette étude montre, malheureusement, ô combien la culture du viol est enracinée dans notre société. Le combat est loin d’être achevé !