Lorsqu’un homme fait subir une violence sexiste ou sexuelle à une femme, on entend encore et toujours la même rengaine. La victime aurait dû faire quelque chose pour l’éviter. Elle aurait pu s’habiller autrement, partir au premier coup, porter plainte, etc. Ces idées traduisent en réalité une inversion de culpabilité. La femme devient responsable de ce qu’elle a subi. L’homme, lui, reste pépère dans sa présomption d’innocence. Ces phrases agissent comme un circuit vicieux, laissant les victimes dans la faiblesse et la honte, et les agresseurs dans la force. À l’occasion ce 25 novembre de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, voici 4 phrases qu’on ne veut plus entendre !
« Elle n’a qu’à porter plainte ! »
On estime qu’une victime sur dix seulement porte plainte pour viol, en France. S’il est déjà difficile de se rappeler et de parler à voix haute des violences que l’on subit, l’exercice peut être encore plus pénible devant un commissariat. En mars 2021, l’association #NousToutes comptait un 66 % de femmes ayant témoigné d’une mauvaise prise en charge par les gendarmeries et commissariats. Dans ces cas-là, les victimes de violences racontent ne pas avoir été écoutées, ni crues, et avoir vu leur parole minimisée.
De plus, pour obtenir le silence de sa victime, l’agresseur peut facilement exercer une pression sur elle. S’il est un proche, comme dans 91 % des cas, il peut jouer sur les enjeux familiaux ou affectifs qui les lient. Cette stratégie de domination va alors isoler la victime, de sa famille comme de toute personne qui pourrait lui venir en aide.
« Il y a une pression permanente de l’environnement familial dans le cas des violences conjugales. Il arrive très souvent que les agresseurs soient très sympathiques, qu’ils arrivent à convaincre la famille de la victime elle-même et que la victime se retrouve de ce fait très isolée », explique Marie Cervetti à RTL
« Elle l’a cherché avec sa tenue »
« Que portais-tu as ce moment-là ? » cette sempiternelle question, entendue et répétée dans les postes de police, les tribunaux ou dans l’entourage des victimes, ne fait qu’accentuer la douleur des victimes. Dans une enquête réalisée en 2016 en France par l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, il a été révélé que 27 % des personnes interrogées estimaient l’auteur d’un viol moins responsable si la victime portait une tenue sexy.
Alors que dans les faits, les hommes violent les femmes quoi qu’elles portent. L’idée qu’une femme peut inciter un homme à la violer par sa tenue est l’expression de stéréotypes profondément ancrés sur la sexualité masculine et la sexualité féminine. En réalité, ce qu’une femme portait lorsqu’elle a été violée ou agressée n’a tout simplement aucun lien avec ce qu’elle a subi. Une fois de plus, rappelons qu’un viol n’est jamais imputable à la victime.
« Elle aurait dû partir au premier coup »
Parmi les phrases sur les violences faites aux femmes qu’on ne veut plus entendre, celle-ci est pernicieuse. Elle serait partie du premier coup, si cela avait été si simple. Les agresseurs, surtout dans le cas des violences conjugales, exercent toutes sortes de manipulation dans le couple. La violence physique s’accompagne souvent de violences verbales et psychologiques, qui vont du chantage à l’emprise émotionnelle, aux menaces. Il existe aussi des violences administratives et économiques. Au sein d’un couple, elles se traduisent par un contrôle du flux d’argent. Une maltraitance bien réelle, mais invisible aux yeux des autres.
Lorsque l’on est extérieur.e à une relation, on ne voit pas ces manipulations qui empêchent les victimes de s’en sortir. Les victimes ne les voient pas forcément non plus d’ailleurs et en arrivent à douter d’elles-mêmes. Car les violences s’inscrivent dans l’histoire d’une relation où tout avait bien commencé. La victime garde alors en mémoire un conjoint aimant. Celui-ci peut la convaincre que tout peut redevenir comme avant, même après une explosion de violence.
Afin de pouvoir porter plainte, la victime doit premièrement se rendre compte de ce qu’elle subit. Ensuite affronter la crainte de se confronter à ses proches et à sa famille, au risque de n’être pas crue. S’enfuir n’est ainsi pas chose aisée.
Elle a été victime d’un « crime passionnel », d’un « inceste », d’une « tournante », d’un « excès de violence »
Le traitement des féminicides ou des violences sexuelles et sexistes dans les médias a également un impact direct sur ses victimes. Et sur l’opinion publique. Certains termes comme « crime passionnel » traduisent des euphémismes qui occultent la réalité des violences subies, ainsi que son caractère systémique. Par exemple, lorsque l’on dit « elle s’est fait violer », cette formulation responsabilise en partie la victime, et met à distance l’agresseur. « Elle a été violée » est plus correct.
Selon Marie Cervetti, les mots « inceste » ou « tournante » cachent en partie la réalité. Pour elle, « il faut parler de ‘viol par inceste’ et de ‘viol collectif’ plutôt que de ‘tournante’ ». Heureusement, depuis quelques années les choses sont entrain d’évoluer. Grâce au travail acharné des associations et militant.e.s féministes. Par exemple, le mot féminicide, popularisé par sa traduction en espagnol dans le Mexique des années 90, feminicidio, apparaît maintenant dans les médias traditionnels.
Il est impératif de souligner l’importance cruciale de changer les discours qui perpétuent la culture de la violence et de la victimisation. Ces phrases que nous ne voulons plus entendre représentent des stigmates profonds et persistent dans notre société. La conscientisation et le rejet de ces discours toxiques sont des étapes essentielles vers la création d’un environnement où les femmes se sentent soutenues, respectées et écoutées.