Souvent accusés d’isoler les jeunes ou de les abrutir, les jeux vidéos sont pourtant un échappatoire crucial pour les personnes porteuses de handicap(s). Derrière l’écran, toutes les étiquettes s’effacent au profit de la camaraderie. L’univers du gaming fait tomber des barrières, qui sont pourtant coriaces dans la vraie vie. Grâce à l’anonymat 2.0 et l’entente cordiale qui règne sous les manettes, les personnes porteuses de handicap(s) ressentent moins la différence. Elles s’affranchissent des regards plaintifs tout en cultivant de nouvelles amitiés. Alors qu’elles sont régulièrement marginalisées de la société, elles retrouvent enfin une place plus digne dans ces espaces virtuels. Plus qu’une distraction, les jeux vidéos sont des Eldorados pour les personnes porteuses de handicap(s).
Une façon de créer du lien
Selon un sondage mené par Xbox, plus de 400 millions de personnes porteuses de handicap(s) à travers le monde s’épanouissent dans les jeux vidéos. Un refuge confortable où l’identité ne se résume pas à un physique ou une particularité. Au-delà de leur visée ludique, les jeux vidéos sont aussi propices à l’interaction. Bien loin de l’individualisme extérieur, ils cultivent une ambiance conviviale et décomplexée. Ils accordent ce précieux sentiment d’appartenance, dont les personnes porteuses de handicap(s) sont souvent privées.
Qu’importe sa nature, le handicap façonne un terrible toit de verre au-dessus de la tête. Près d’un tiers des personnes handicapées et/ou souffrant d’une maladie disent se sentir seules. Translucides aux yeux des autres, elles sont victimes d’un oubli collectif. Et lorsqu’elles attirent l’attention, c’est seulement pour se faire « assister » ou être traitée dans la pitié. Les jeux vidéos, eux, leur donnent une chance de tisser des liens qui surpassent l’unique compassion.
À travers les jeux vidéos, les personnes porteuses de handicap(s) sont accueillies sans jugement ni mépris. Elles peuvent s’extirper de ce « statut » qui leur fait si souvent défaut pour se définir autrement et prendre un vrai tremplin social. Dans cette galaxie pixellisée, l’apparence est une donnée insignifiante. Seul le pseudo prévaut. Les jeux vidéos sont de vastes réseaux d’échanges où les personnes porteuses de handicap(s) peuvent enfin se sentir entendues et légitimes. C’est comme si leur handicap s’évaporait entre les touches du clavier.
Un loisir pour réaffirmer son estime personnelle
Dans la société, les personnes porteuses de handicap(s) sont régulièrement mises sur un siège éjectable ou totalement évincées du paysage professionnel. Selon les chiffres de l’Agefiph, elles ont 3 fois moins de chances d’être en emploi et deux fois plus de risques d’être au chômage. Une exclusion silencieuse qui façonne naturellement cette impression d’impuissance et d’incapacité. Malgré un CV bien rempli, les personnes porteuses de handicap(s) récoltent souvent la porte en pleine face. Un verdict qui nourrit leur esprit fataliste et qui les écarte un peu plus de la lumière.
Pour recoller cette estime morcelée, elles peuvent toutefois compter sur les jeux vidéos. Dans ces univers parallèles, elles sont souvent en compétition et retrouvent le goût du challenge. Au lieu de se cantonner à des fonctions « secondaires » ou « passives », elles s’impliquent personnellement dans le jeu et sont les seules décisionnaires. Une façon pour elles de se redonner du pouvoir tout en renforçant leur sens de la communauté.
En participant à des tournois en ligne et en glanant des victoires, les personnes porteuses de handicap(s) profitent d’une profonde gratitude. Ces récompenses ne sont pas de vulgaires décorations pour se la raconter, ce sont des petites revanches qui pansent de nombreuses injustices. Elles cristallisent ce cher sentiment d’accomplissement et sculptent un respect général de la communauté.
Un moyen de s’évader d’une réalité pesante
Les jeux vidéos ouvrent une fenêtre sur le monde aux personnes porteuses de handicap, parfois restreintes dans leur déplacement. Avec leur toile de fond utopique, ils les transportent dans une autre dimension. Un voyage immersif puissant qui leur permet de passer les frontières sans quitter leur siège de gaming. C’est une distraction thérapeutique à part entière. En étant dans un état de fascination, les personnes porteuses de handicap(s) peuvent faire abstraction de leurs contraintes physiques et de leur lourd quotidien.
Elles ont aussi la possibilité de se créer des « identités alternatives ». De nombreux jeux vidéos nécessitent la customisation d’un avatar. Ces personnages fictifs ne sont pas nécessairement la copie conforme d’une personne réelle. Ils sont justement là pour assouvir un idéal et combler un imaginaire. C’est un moyen pour les personnes handicapées de s’évader de la perception qu’elles ont de leur propre corps ou de surpasser leurs limitations.
Le monde du gaming, vraiment plus inclusif ?
Si les jeux vidéos peuvent améliorer la qualité de vie des personnes porteuses de handicap(s) et enrichir leur bien-être, sont-ils suffisamment accessibles ? Contre toute attente, l’industrie du jeu vidéo n’a cessé de se réinventer pour correspondre à ce cœur de cible aux exigences multiples. En témoigne la nouvelle manette de PS5, compatible avec les handicaps « moteurs ». Elle possède une forme arrondie et peut se clipser directement sur une table. Contrairement à la manette « classique » où les boutons sont statiques, sur celle-ci ils peuvent s’interchanger grâce à des capuchons magnétiques.
Mais Sony est loin d’être une pionnière en la matière. D’autres équipements aussi louables ont vu le jour bien avant. C’était le cas de l’AGF1rst Touch et le Fantastick qui ont des touches très réactives que les joueurs n’ont pas besoin d’enfoncer. Dans ce sillage inclusif, les jeux vidéos aussi s’acclimatent aux personnes porteuses de handicap(s). « The Last of Us Part II », jeu d’aventure incontournable, compile ainsi pas moins de 60 options, ajustables en fonction des besoins de chacun.e. Il est donc possible d’ajouter des sous-titres, des détails visuels pour les déficiences sonores ou de désactiver les arrière-plans dynamiques. Pour honorer ces innovations qui actent un vrai tournant positif, un concours dans la veine des « Césars » a même été créé en 2021. Il s’agit du Vidéo Game Accessibility Awards.
Souvent pointés du doigt, les jeux vidéos sont surtout des remèdes contre l’âpreté du monde pour les personnes porteuses de handicap(s). Ils leur redonnent foi en l’humanité et les réparent de l’intérieur. Plusieurs gamer.euse.s porteur.euse.s de handicap(s) s’attèlent d’ailleurs à exposer l’invisible sur leur chaîne YouTube.