En cette Journée internationale du pull moche, les chandails aux coutures disgracieuses et aux motifs volontairement kitch trônent sur tous les corps. Ce tricot de mauvais goût, considéré comme un énième symbole de Noël, est pensé pour faire rire du bureau aux réunions de famille. Même s’il irrite la vue et cumule les « fashion faux pas », il est ridiculement drôle. Qu’il soit tapissé de guirlandes en Tinsel, de rennes loufoques ou de peluches en 3D, le pull moche de Noël séduit par son côté absurde. Il a même réussi à conquérir le cœur de la famille royale. Pourtant, sous son allure humoristique, le pull moche de Noël renferme aussi des facettes sombres. Voici donc pourquoi porter des pulls moches de Noël n’est pas toujours si risible.
Un vêtement humoristique plutôt sinistre pour la planète
La tradition du pull moche s’est solidement ancrée dans le paysage de Noël. Importée des États-Unis, elle est plébiscitée jusque dans les openspace. De nombreuses entreprises organisent d’ailleurs des concours, où les pulls les plus laids sont couronnés et récompensés. Tout le monde joue le jeu en arborant un tricot caricatural et contraire à toutes les règles de style. Cependant, ces pulls moches de Noël, qui semblent avoir été cousus main par mamie, sont loin d’être des créations artisanales. Et c’est justement ce qui pose problème.
Même si les pulls moches de Noël adoucissent l’atmosphère et dérident aisément les boss intransigeant.e.s, ils salissent aussi l’environnement. Ils sont plus polluants que poilants. Malgré leur allure « fais maison » qui donne l’illusion d’une pièce authentique, ces pulls de Noël inesthétiques sont souvent des purs produits de la fast fashion. Il n’y a donc pas seulement le visuel du tricot qui fait cheap, mais aussi sa composition. C’est ce que mettait en exergue Hubbub, une organisation caritative environnementale située outre-Manche. Elle a acheté 108 pulls moches de Noël dans de grandes enseignes et les a passés au crible un à un. Le bilan est sans appel : 95 % des pulls ont été entièrement ou partiellement fabriqués à partir de matières plastiques.
Autrement dit, les pulls moches de Noël ont un impact désastreux sur Mère Nature. Les fibres synthétiques qui constituent la base de ces pulls éliminent elles-mêmes 730 000 microfibres à chaque lavage. Des particules, invisibles à l’œil, mais lourdes de conséquences, qui atterrissent directement dans les océans et les autres plans d’eau. Ces pulls moches de Noël, régulièrement tournés en dérision et arborés avec le rire aux lèvres, n’ont strictement rien d’une boutade pour la Terre. Désolée de casser l’ambiance…
Les pulls moches où l’appel au consumérisme
Ces pulls de Noël au style très discutable constituent également un business juteux. Il n’est plus question du tricot « brut de décoffrage » concocté par le club du troisième âge. Aujourd’hui, le pull moche de Noël se décline dans de multiples versions, toutes plus saugrenues les unes que les autres. Il est ainsi possible de se procurer un pull qui brille dans la nuit ou qui revisite des scènes cultes de nos films préférés. Le chandail peut arborer le Dinosaure de Jurassic Park, le masque emblématique de Dark Vador ou dans un registre plus trivial, un père Noël en train de se soulager dans une cheminée.
Qu’il ait des peluches en relief, des boules intégrées ou un design à en irriter la vue, le pull moche de Noël est devenu une véritable opportunité marketing. Tout est fait pour inciter à l’achat. Selon Hubbub, ce sont en moyenne 12 millions de pulls moches qui sont achetés chaque année par les Britanniques. Pourtant, les pulls moches de Noël sont assez éphémères. Ils suscitent la rigolade une journée, puis retournent au placard pour une éternité.
À moins de le garder en pyjama ou pour les dimanches chill, ce vilain pull festif n’est pas voué à ressortir du vestiaire. Au contraire, lorsqu’on retombe dessus, on se demande bien pourquoi on a acheté cette horreur. Les pulls moches de Noël poussent à la surconsommation et représentent un gaspillage vestimentaire monstrueux. Après avoir nourri 5 minutes de fou rire au bureau, ils partent direction les décharges à ciel ouvert. Où 11,3 millions de tonnes de vêtements sont déjà envoyés chaque année.
À l’origine, une tradition très « premier degré »
Si désormais, les pulls moches de Noël convoquent l’ironie et agitent les zygomatiques, ça n’a pas toujours été le cas. Quelques siècles en arrière, cette tradition était même prise très au sérieux. Dans les familles, il était coutume d’offrir des pulls tricotés à la main pour célébrer Noël. Même si ces créations étaient à l’opposé polaire de l’œuvre d’art et se portaient plutôt à contrecœur, elles évoquaient l’amour du « fait maison ».
Ces pulls, qui n’étaient pas encore affublés du qualificatif « moche », couronnaient donc surtout les corps pour honorer le travail minutieux de grand-mère ou de tatie. C’était plus en gage de reconnaissance que par réel plaisir. Ce chandail sur-mesure, respecté par de nombreuses générations, s’est converti en objet de moquerie en 2001, sous l’impulsion du Journal de Bridget Jones.
Dans ce film mémorable, une seule scène a suffi à transformer ce pull symbolique en une vaste plaisanterie. Il s’agit du moment où Marc Darcy, le crush de Bridget, s’affiche dans un pull à tête de renne. Désormais, les pulls moches de Noël ont leur propre concours à travers le globe et leur défilé attitré. Ils sont gentiment parodiés, mais sous-entendent aussi une certaine « honte » des vêtements « homemade » et hors normes.
Trouver des pulls moches qui ont du sens
Évidemment, tous les pulls moches de Noël ne sont pas des bavures écologiques. Au milieu de tous les exemplaires médiocres, il existe des modèles conscients et raisonnés qui valorisent de nobles causes. En décembre dernier, 29 200 arbres ont été plantés en Inde grâce aux pulls moches de Noël vendus par l’organisation « One tree planted« . En 2021, l’entreprise « Les Petits Riens » lançait la journée du « vrai » pull de Noël qui incite à donner ses anciens pulls plutôt que d’en acheter un nouveau « juste pour le fun ».
Sinon, il y a toujours l’option des DIY pour mettre ses pulls « classiques » à la sauce Noël. Ça vous évitera d’acheter un article qui ne vous servira qu’une seule et unique fois. Si vous avez la main bricoleuse, vous pouvez coudre des pompons, des peluches ou des étoiles sur vos pulls. À l’inverse, si vous n’êtes pas à l’aise avec les aiguilles, plantez des boules dans la maille. Ou collez simplement des formes en feutrine sur la matière. Inutile de vous appliquer : moins c’est réussi, mieux c’est.
Les pulls moches de Noël émanent d’une tradition plutôt sympathique. Mais depuis que la fast fashion s’est réappropriée ce chandail régressif, ils ont drastiquement perdu de leur valeur. Au prochain Noël, pourquoi ne pas commander un pull auprès de mamie (ou papi) pour un rendu vraiment rustique et raisonné ?