Exilé.e.s, sans-papiers, réfugié.e.s, migrant.e.s, immigré.e.s, peu importe le nom qu’on leur donne, ils.elles ont tou.te.s une histoire à raconter. Yara al-Hasbani, elle, est née en Syrie et se passionne pour la danse. Encerclée par l’insécurité et privée de nombreuses libertés, la jeune femme décide de fuir sa ville de coeur. Cela fait un peu plus de six ans qu’elle tente de se reconstruire un avenir plus serein en France. Pour dénoncer les horreurs auxquelles les habitants syriens sont confrontés au quotidien, elle se met en scène et fait vibrer tout son corps.
Une âme meurtrie dans un corps de fer
La danse apparaît comme une arme fatale pour riposter contre la violence bien trop ancrée dans certaines contrées. Mettre en mouvement son exil, son histoire, faire transpirer ses émotions à travers des arabesques, dessiner des scénarios pour exprimer ce qu’elle n’arrive pas à mettre en mot… autant de sources de motivation qui transcendent Yara.
Avant que le chaos ne brise sa vie en mille morceaux, la Damascène (habitante de Damas) avait entamé des études à l’Institut Supérieur d’Art Dramatique de Damas. Il y a dix ans, elle était fière de faire partie de la troupe du spectacle « Roméo et Juliette ». La représentation se tenait dans la capitale syrienne, mais rien ne s’est passé comme prévu…
Dans les yeux de Yara, l’exaltation s’est vite transformée en tristesse puis en haine. Elle apprenait que son père était mort sous la torture. Une annonce qui a fait basculer son existence. « La petite fille est morte à ce moment-là », déclarait-elle au média Le Point. À son tour, elle reçoit des menaces par téléphone : « Vous ne savez pas qui vous parle ? Faites attention à vous-même ».
L’heure de l’exil
Plutôt que rester prisonnière d’un danger permanent, Yara quitte alors cette terre dominée par le régime de Bachar Al Assad pour rejoindre un pays plus sûr. Malgré la tristesse accablante qui la poursuit, elle se forge un mental d’acier et fait vibrer tout son être dans une danse engagée.
Téméraire et pétillante, la vingtenaire dresse sa silhouette au milieu de monuments phares de la capitale. Sur la Place du Trocadéro, elle faisait presque de l’ombre à la Dame de fer. Cheveux courts teints en blond, piercing au nez, visage lumineux, Yara en impose. Et elle l’assume fièrement : elle osera toujours élever la voix pour que l’on n’oublie pas. Alors, la Parisienne d’adoption mêle danse et politique pour alerter le grand public.
Quand la danse fait office de Mémoire
En août 2015, une centaine d’enfants meurent dans une attaque chimique près de Damas. La chorégraphe s’empare de cet événement pour le révéler au grand jour, mais sous une autre forme. Toute son enveloppe charnelle se déploie et montre des scènes de souffrance terribles. Elle mime avec justesse la posture de ces enfants effrayés, recroquevillés sur eux-mêmes.
Sa chorégraphie « Unstoppable » est tout aussi poignante. Elle illustre sa vie semée d’embûches, de la Syrie à la France en passant par la Turquie. On assiste à ses moments d’hésitation et à cette difficile intégration dans un nouveau pays. Pour le clou du spectacle, on l’observe renaître de ses cendres et se battre pour sa survie. Si le déracinement apparaît comme un déchirement, elle délivre une jolie note d’espoir à tou.te.s ceux.elles qui ont traversé les tourments de l’exil. Depuis, Yara tisse sur son chemin le fil d’une lutte contre ces actes barbares.
Un parcours riche de sens
La sportive a d’ailleurs eu la chance de rencontrer des danseurs de l’Opéra Garnier et de se lier d’amitié avec Germain Louvet. Elle s’est construit un beau palmarès : elle a dansé pour Thierry Thieû Niang dans « Va voir là-bas si j’y suis », une chorégraphie qui aborde la question d’identité et elle a été invitée à l’Institut du Monde arabe pour y présenter ses travaux.
Même auréolée de succès, elle reste humble et n’oublie pas d’où elle vient. Femme au grand coeur et véritable amazone, Yara souhaiterait apporter des costumes de danse aux enfants syriens réfugiés dans les camps de Zaatari en Jordanie et leur transmettre sa passion.
Si Yara al-Hasbani, elle, danse, d’autres artistes talentueux.ses, eux.elles, chantent, slament, dessinent, peignent pour nous ouvrir les yeux. Un refuge créatif leur est d’ailleurs destiné à Paris, il s’agit de l’Atelier des artistes en exil.