Depuis quelques années maintenant, une tendance voyage se développe et gagne en popularité. On l’appelle le « dark tourism », ou « tourisme noir » en français. Il s’agit d’aller visiter des endroits où se sont passées des horreurs ou des catastrophes naturelles. Sans oublier par la suite de poster les photos sur les réseaux sociaux.
Ce phénomène a notamment été alimenté par la série Netflix « Tchernobyl », sortie en 2019. Elle retrace l’histoire de ce qui a été une des catastrophes nucléaires les plus graves de l’histoire. Si certain.e.s voient dans le « dark tourism » un devoir de mémoire, d’autres dénoncent son côté dérangeant, voyeuriste et malsain.
Qu’est-ce qui pousse les touristes à visiter des lieux associés à la mort ?
Comme le rappelle Geo.fr, le phénomène a notamment été abordé par 2 chercheurs américains dans les années 90 : Malcom Foley et John Lennon. Ils le définissent comme le fait de voyager en direction de lieux associés à la mort, à la souffrance et plus généralement, au macabre. En y réfléchissant bien, nous sommes tou.te.s des « dark tourist » à des degrés divers. Qui n’a jamais visité une prison, des catacombes ou autres lieux associés à la mort ? En se rendant en Italie, qui a déjà refusé de visiter Pompéi ?
Derrière ceci, se cache aussi un phénomène que nous pourrions qualifier de plus « sombre et pernicieux ». Il n’y a qu’à taper « visites de lieux macabres » sur Google pour trouver des listes entières de lieux noirs à visiter à travers le monde. Certains sites se sont même spécialisés dans le domaine. À l’image Dark-tourism.com. On y découvre un catalogue de plus de 900 lieux macabres à visiter dans 115 pays différents (à l’heure de l’écriture de cet article).
Vous pourrez, entre autres, y trouver des informations pour visiter le camp de concentration d’Auschwitz où plus d’un million de juinf.ve.s furent tué.e.s. Mais également Medellín, la dernière demeure du trafiquant Pablo Escobar, où il fût assassiné. Ou encore, la forêt d’Aokigahara, au Japon. Aussi appelée « forêt du suicide », il n’est pas rare de tomber sur un cadavre. Bref, l’embarras du choix dans ce que l’histoire compte de plus sanglant et traumatisant.
Le tourisme de catastrophe
Comme nous vous le disons en introduction, c’est en grande partie internet et l’industrie du cinéma qui sont à l’origine du développement du « dark tourism ». Lors de la sortie du film « La liste de Schindler » en 1993, on note une hausse des visites de 15 % du camp d’extermination d’Auschwitz au cours des années suivantes. Sortie en 2019, la série Netflix « Tchernobyl » a fait bondir le nombre de visiteur.se.s annuel.le.s. De 9 000 à 17 000 personnes.
Depuis quelques années, on note également un engouement pour ce qui s’apparente à une sous-catégorie du « dark tourim » : le « disaster tourim » ou « tourisme de catastrophe » en français. Visiter la « zone interdite » de Tchernobyl ou la ville de Pripyat, à côté, qui a été abandonnée. Ou encore, la ville de Fukushima, au Japon, dévastée en 2011 lors de la catastrophe nucléaire.
Plus parlant encore. Il est possible de voir de ses propres yeux « le pin miraculé » à Rikuzenkata, ville réduite à néant par le tsunami. Un dernier vestige de vie qui, en réalité, n’en est pas un. Il est mort en 2012 et a été remplacé pour la modique somme de 1,5 million d’euros. Alors, le « dark tourism » : résilience ou business pur et dur ?
« Dark tourism » : pourquoi pas, mais avec respect
Il est difficile de donner une réponse simple au fait de savoir si le « dark tourism » dans sa globalité est une bonne chose ou non. En réalité, tout dépend de pourquoi et de comment nous le pratiquons. L’envie de vomir nous étreint lorsque nous voyons les touristes se prendre en photo en équilibre sur le rail d’Auschwitz, par exemple. Il est normal (à la limite) de vouloir photographier ces lieux qui ont abrité un pan de notre histoire. Mais de là à se mettre en scène avec un grand sourire ?
Aurions-nous oublié toute notion de respect ? Le devoir de mémoire doit faire partie intégrante de notre quotidien, c’est certain. De plus, il est humain d’être curieux.se et d’avoir envie de se rendre sur ces lieux. Mais pas dans un but de voyeurisme, là est la nuance. Il s’agit d’en comprendre les tenants, les aboutissants et les conséquences que cela a eues sur les victimes, de respecter cela.
Nous n’encourageons ni ne désavouons le « dark tourism ». En revanche, nous appelons à la conscience et au respect de chacun.e. Il n’y a, encore une fois, aucun mal à être curieux.se. Veillez simplement à vous rendre dans ces endroits pour les bonnes raisons. Et sur place, respectez le lieu, les évènements qu’il a abrités; et si c’est le cas, la mémoire des morts qu’il a vu tomber.