Hôtels, restaurants, avions ou plages sans enfants : une tendance dangereuse ?

De plus en plus de lieux touristiques avancent l’argument « sans enfants » comme si les bambins étaient des petits nuisibles montés sur ressort. Pas de jets de sable sur la plage ni de cris stridents pendant le trajet aérien et moins de « pourquoi » lors des pérégrinations, cette offre « adult only » est assez convaincante, surtout pour les personnes allergiques aux tornades en culotte courte. Même si ce parti-pris présente plusieurs avantages, notamment pour les tympans, il marginalise les enfants et jette la pierre aux parents. Cette tendance voyage qui évince les chérubins du paysage ne signe-t-elle pas l’arrêt de mort du vivre ensemble ? Éclairage sur ces périples dépourvus de marmailles qui comptent de nombreux fidèles.

Les voyages « adult only », une tendance montante

Les enfants ont deux visages. Iels peuvent arborer une auréole au-dessus de la tête et d’un coup les échanger contre une paire de cornes. Mais en voyage, rares sont les moments où iels se montrent sages et dociles. Ce sont plus des petits démons que des angelots. Alors que les vacances sont vouées au repos et à la régénération, les enfants effacent bien souvent tous les espoirs de sérénité.

Iels s’immiscent entre nos jambes dans les pires moments, piquent des colères irascibles qui pourraient briser les vitres, parlent non-stop pour ne rien dire et interrompent les sessions de bronzage à coup de ballon dans la tête. Et pour couronner le tout, iels sont infatigables, même après des heures de brasse-coulée dans la piscine et des balades corsées. Souvent considéré.e.s comme des éléments perturbateurs, les enfants provoquent une lassitude commune.

Pour que ces trublions n’entravent plus l’expérience de « l’ailleurs », plusieurs lieux ont pris une mesure drastique : les rayer de la carte. Un rejet poliment formulé sous le titre « adult only ». Dans les airs ou sur la terre ferme, cette tendance du « sans enfants » se confirme. Des hôtels aux avions en passant par les restaurants, les établissements avec option « zéro mouflet dans les parages » se sont multipliés par deux à travers le monde.

Ce supplément « adult only » s’étend également aux moyens de transport. Récemment, la compagnie aérienne Corendon Airlines a créé des zones « sans enfants » sur l’une de ses lignes pour un vol dénué de perturbations sonores. Une initiative également prise par AirAsia X et la compagnie low cost Scoot située à Singapour. Un choix stratégique puisque selon une étude SkyScanner, 52 % des usager.ère.s souhaiteraient pouvoir choisir des vols sans enfant.

Une offre qui séduit pour sa promesse de quiétude

Si les offres « adult only » sont si plébiscitées, c’est parce qu’elles induisent une certaine tranquillité. Pas d’enfants à l’horizon pour tambouriner sur les tables du restaurant, éclabousser les brushings dans la piscine ou sautiller sur leur siège d’avion. C’est le calme plat. Le rêve absolu pour les personnes atteintes de miochophobie aiguës, la peur panique des petits êtres à tétines et à doudous.

Cependant, cette formule « adult only », ne s’adresse pas uniquement aux allergiques des enfants qui ont les poils dressés et le palpitant en accéléré dès qu’un mouflet entre dans leur champ de vision. Elle conquiert surtout de jeunes couples qui recherchent plus d’intimité et des séniors, qui souhaitent s’émanciper, ne serait-ce qu’un court instant, de leurs contraintes familiales. Les tourtereaux peuvent ainsi se choyer plus librement, sans récolter un « beurk » d’une petite tête blonde tandis que les retraité.e.s se coupent réellement de l’ambiance « vie de famille ».

À noter que l’offre « adult only » relève plus du privilège que de la chance. Cette paix des oreilles a un coût. En effet, il faut débourser en moyenne entre 200 et 300 € de plus qu’un voyage classique pour profiter d’un séjour exempt de « pourquoi », de blagues à base de « prout » et de phrases à la Calimero. C’est donc essentiellement un atout marketing pour les structures touristiques, au même titre que l’offre « pet friendly ».

Pourquoi cette mode du « sans enfants » pose problème ?

Si cette offre « adult only » est un soulagement pour une bonne partie de la population, elle soulève tout de même quelques questions d’ordre éthique et moral. Elle induit en effet que les enfants sont des parasites qui gâchent le plaisir des vacances. Indirectement, elle cultive une haine souterraine de ces jeunes générations, qui savent à peine aligner trois mots. D’ailleurs, certains lieux surfent sur le mouvement « adult only » pour remettre en cause « l’éducation » des enfants et culpabiliser un peu plus les parents. Depuis peu, un restaurant de Géorgie aux États-Unis prévoit un supplément en cas de « mauvaises conduites des enfants ». Et il ne s’agit pas d’une petite somme, mais d’une facture salée à hauteur de 50 €.

Cette tendance « adult only » trouve donc aussi ses limites. Elle pousse vers un individualisme encore plus ferme et radical. Elle reflète une société davantage tournée sur le « je » que sur le « nous ». Cette indigestion soudaine des enfants révèle en filigrane une difficile absorption de la différence. Dans une ère du « chacun pour soi », le phénomène « adult only » ne fait que renforcer l’aversion de l’autre. Il hisse les parents en fautifs et les enfants en victimes collatérales. Il divise les voyageur.se.s en « clan » au lieu d’en faire un groupe homogène. Or, le métissage social et culturel est indispensable pour un monde tolérant. Le fait d’exclure les enfants revient à mépriser toute une famille.

Des zones dédiées plus qu’une éradication totale des enfants

Au lieu de tirer un trait définitif sur les enfants et les effacer intégralement du paysage idyllique des vacances, mieux vaut décupler les « espaces sans enfants », qui « filtrent » la présence de ces tornades ambulantes. Une idée beaucoup plus saine qui permet de conserver cette fameuse « harmonie sociale » tout en jouissant de zones plus « zen ».

C’est déjà le cas dans certains lieux où les piscines sont scindées en deux pour accueillir d’un côté les bombes et saltos des enfants et de l’autre le crawl en dilettante des adultes. Les compagnies aériennes, conscientes du business juteux généré par les familles, privilégient aussi cette approche. En plus des fameuses « classes », il est donc désormais possible de booker une place dans un coin « sans enfants ».

Même si les enfants sont parfois insupportables, nos voyages ne seraient-ils pas trop vides sans elleux en toile de fond ? Certes, l’option « adult only » est tentante, mais il ne faut pas oublier que les enfants peuvent aussi être de vrais clowns et ajouter de la distraction dans nos aventures.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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